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Un sacré pari gagné !
Soirée « Adagio » au Palais Ennejma Ezzahra à Sidi Bou-Saïd
Publié dans Le Temps le 27 - 03 - 2013

Abou El Kacem Chebbi et Joseph Haydn , une rencontre intemporelle entre poésie et musique a eu lieu le 15 mars au Palais Ennejma Ezzahra à Sidi Bou-Saïd. Ce soir-là les vents brusquement se sont calmés. La lune s'est réveillée de sous la mer. Je n'étais pas retourné sur cette colline sacrée de Sidi Bou Saïd depuis l'hommage rendu au mausolée profané, quelques semaines auparavant.
Et nous avions tous en mémoire la fin tragique de Si Chokri Belaid. Nous avions soif, sans trop nous l'avouer, de beauté, de paix et aussi de force. Nous espérions, confusément, en longeant cette allée boisée et sereine qui surplombe la Méditerranée, retrouver foi en l'avenir. Et, miracle de la poésie et de la musique, nous n'oublierons pas de si tôt cette belle soirée d' « Adagio », imaginée pour nous par Paula Kraft.
L'attente était forte. Le pari risqué. Confronter ainsi poésie et musique, venues de continents et d'époques si différents, a priori si étranger l'un à l'autre n'était nullement évident. Par-delà l'attente j'étais curieux de voir comment les deux interprètes de ces émotions croisées allaient bien pouvoir nous les faire partager. Et sans être ni critique littéraire, ni critique musical, je crois pouvoir dire que nous avons tous été conquis. L'attention était extrême dans ce patio familier et somptueux du Palais d'Erlanger, qui abrite le Centre des Musiques arabes et méditerranéennes. Au centre, le pupitre où officiait Paula Kraft, prêtresse inspirée, à sa droite Bassem Makni, discret serviteur des plus grands compositeurs, caché derrière son piano à queue, et à sa gauche un grand écran où des images, photos, peintures, calligraphies ponctuaient poèmes et sonates. Et vogue la galère ! Vers quels horizons, quelles tempêtes ?
Et très vite une musique s'imposa : celle de l'étrange détermination de ce poète de Tozeur, mort malade à moins de 25 ans en 1934 ! De celui qui écrivait dans Le Matin Renouvelé, extrait de son recueil Hymnes à la vie :
Paix mes blessures / silence, mes soucis !
Fini la saison des pleurs / fini le temps de folies !
Le matin se lève / de derrière les siècles.
Dans les gouffres de la mort, / j'ai enterré la douleur,
J'ai semé les larmes, / aux vents du néant.
J'ai empoigné la vie, / instrument sonore
Avec lequel je joue / sur les grandes places du temps.
J'ai dissous la souffrance / dans la beauté de l'univers.
Mes amis, prenez le temps de lire le poète. Chacun de ses mots a été pesé au trébuchet de son cœur. Certes ceux qui peuvent le savourer dans sa langue d'origine ont de la chance, mais sa sincérité, son talent, son courage aussi étaient tels que, même traduits, ses poèmes traversent les temps et les consciences. Et c'est ce que nous étions venus chercher. Celui qui a aussi fustigé Les tyrans du monde – Ela Toghat al Alaam -, était parmi nous et nous aimait.
Et Hadyn, allait-il être à la hauteur, au diapason ? Certes je trouvais le choix des sonates, et non des œuvres plus symphoniques, judicieux, mais j'avais dans l'oreille l'interprétation d'Alfred Brendel, unique. Or, dès les premières mesures de la sonate, numéro 19 je crois, larghetto, je reconnus le toucher de Bassem Makni, délicat et romantique à souhait. Une fine analyse des correspondances entre ces deux artistes serait ici de mise, par plus compétent que moi ; mais aussi décalé que cela puisse paraître, la musique de l'aîné sert la poésie du cadet. Je n'en veux comme preuve que la sonate 47, finale presto où l'on retrouve les souffrances endurées par Chebbi, orphelin, incompris, fragile mais aussi son incroyable et juvénile détermination à lutter contre les hypocrisies et les pulsions de mort. Ecouter jouer Bassem Makni fait un bien fou. On aimerait l'entendre bien plus souvent !
L'ambassade d'Autriche, et c'est tout à son honneur, a bien fait de retenir l'idée audacieuse de Paula Kraft, qui est tombée raide amoureuse, comme nous tous, ce soir-là, de la poésie de ce jeune lettré, au beau regard rieur, père de famille, venu d'une oasis où, il est vrai, la poésie est reine. Et qui aurait pu dire, comme Haydn parlant de son art : qu'il est compris de tous. Nous sommes repartis plus confiants, les sourires flottaient alentours et la beauté des étoiles nous suivant dans nos menues pérégrinations. Le musicien viennois et le poète tozeurois nous rappelaient de ne pas baisser les bras et de lutter, chacun à sa manière, pour que justice, liberté et bonheur puissent se frayer un chemin dans ce coin béni à la croisée des chemins méditerranéens.
Un vœu ardent : que cette initiative ne reste pas éphémère. Qu'elle tourne non seulement dans la République, ses Universités, ses Centres culturels, privés ou publics, mais aussi à l'étranger. Magnifique ambassadeur de la Tunisie, dans ce qu'elle a de plus original, de plus vrai, passerelle raffinée et forte entre les deux rives, « Adagio » mérite d'être joué, reconnu, exporté. Parti de ce lieu emblématique des rencontres plurielles qu'est le Centre des Musiques arabes et méditerranéennes, ce spectacle est rare et subtil, simple à ressentir et à organiser. Et merci encore à ses deux vaillants interprètes de nous offrir de tels moments !

François-G. Bussac
(Chroniqueur, auteur du Jardinier de Metlaoui)


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