Depuis le vendredi 19 avril dernier d'étranges créatures habitent la galerie Médina. Ces créatures sont des anges tels que les imagine Nacer Khemir. L'artiste leur rend hommage dans une exposition qui regroupe des toiles qui sont autant d'épisodes de vies où le ciel et la terre se rejoignent dans une rêverie en demi-teinte en « Hommage aux anges »… Enfant, qui d'entre nous, n'a pas rêvé d'anges ? Tout le monde ou presque. Chacun a imaginé, a songé ou a esquissé un portrait furtif d'un être ailé traversant l'azur pour survoler villes et villages, forêts et océans hélant parfois sur son passage les hommes. A l'âge adulte, le commun des mortels se laisse submerger par la réalité et seul l'artiste tente d'approcher le royaume des cieux, de tendre l'oreille et de percer le secret des anges. Nacer Khemir fait parti de ces artistes qui se placent dans l'entre deux mondes : le réel et l'imaginaire afin de côtoyer ces êtres ambigus. Conteur, écrivain et cinéaste, Nacer Khemir est imprégné d'expressions artistiques à travers lesquelles il recrée l'univers. Avec « Hommage aux anges », l'artiste endosse le costume du peintre et nous invite dans un conte fait de séquences peintes où les personnages sont des figures imparfaites, quasi-humaines. Dépourvus de noms, les anges s'inscrivent dans l'atemporalité. Hors espace et hors temps, ils sont saisis dans divers instants de la vie, dans des bribes d'existence qui rappellent étrangement le quotidien ordinaire des gens. En effet, l'artiste transcende « l'âme angélique » pour mettre à nu ses angoisses et ses espoirs, ce qu'elle renferme en elle de tragique et de joyeux. Faite de paradoxes, la « vie rêvée des anges » est contée dans une demi-teinte. Les œuvres sont, de ce fait, crépusculaires. Les pigmentations sombres sont traversées par des filets de lumières qui confèrent à la toile sa particularité. Cette dernière devient le point de jonction entre deux royaumes : le diurne et le nocturne, le réel et l'enchanté. Pris dans un jeu de clair-obscur, les anges sont dans un perpétuel mouvement. Qu'ils soient déchaînés ou sereins, solitaires ou amoureux, moralisateurs ou immoraux eux-mêmes, ils se font l'écho d'un monde connu, l'alter ego de l'homme. Leur érotisme comme leurs sautes d'humeur reflètent le sentimentalisme humain. A travers un miroitement de nuances et un travelling captivant, Nacer Khemir dépeint les moments de vie des anges, les approche, leur donne un visage, leur prête une voix. L'artiste crée un univers singulier placé à l'aura du connu et de l'inconnu. Sous les doigts de Nacer Khemir, un conte prend forme ; ne manque alors que le texte. Mais qu'importent les mots lorsque toute l'émotivité se réalise dans le mouvement, le coloris et le regard qui dessinent les contours d'un monde onirique dont les échos viennent du commun. « Hommage aux anges » serait dès lors hommage à la vie dans tout ce qu'elle a de tragique et de sensuel. Dans le murmure intrinsèque de l'œuvre, Nacer Khemir esquissent le sensationnel révélant ainsi la vie des anges, nous révélant, en filigrane, à nous- mêmes afin que recommence le conte une fois qu'on croit l'avoir achevé…