La Bonbonnière était pleine comme un œuf, samedi dernier, malgré la cherté du prix des billets (60DT, 20DT et 10DT) de la pièce « Le jeu de l'amour et du hasard » proposée par la Comédie Française. C'est grâce à l'Institut Français de Tunisie que le public tunisien a pu assister au chef-d'œuvre de Marivaux. Une pièce qui a été jouée plus de 1612 fois dans la salle du Palais-Royal à Paris. Ce grand classique du théâtre français est signé par le metteur en scène d'origine bulgare Galin Stoev qui en a fait une lecture moderne en rafraichissant ou plutôt en imposant un style tout à fait opposé au marivaudage proposé lors de la création de la pièce en 1730. La surprise est créée par le décor en plexiglas avec des vitres transparentes ou imprimées de motifs de fleurs à la manière du papier peint. Une forme moderne qui nous rappelle la télé-réalité où les protagonistes sont soumis à l'observation des spectateurs. La télé-réalité, un élément moderne introduit au théâtre tout court mais ici classique pour donner plus de pep à cette création d'autrefois. Dans ce décor, les personnages vont procéder à un jeu de rôle motivé par l'amour. Sylvia, fille de Monsieur Orgon, craint d'épouser, sans le connaître Dorante, le jeune homme que son père lui destine. Elle décide de se 'travestir' et d'échanger son habit avec sa femme de chambre, Lisette. Elle espère ainsi pouvoir mieux observer son prétendant. Mais Dorante a eu la même idée et se présente chez Monsieur Orgon déguisé en un serviteur nommé Bourguignon, alors que son valet, Arlequin, se fait passer pour Dorante. Monsieur Orgon et son fils, Mario, sont seuls informés du travestissement des jeunes gens et décident de laisser ses chances au « jeu de l'amour et du hasard ». Les maîtres : Orgon, père de Sylvia. Indulgent et malicieux, il guide le jeu de l'amour et du hasard, en parfaite complicité avec son fils Mario. Mario, fils de M. Orgon et frère de Sylvia.
Sylvia, d'abord opposée au mariage, elle s'y résoudra avec celui dont elle a mis à l'épreuve l'amour et la sincérité, Dorante, fils d'un ami de M. Orgon, prétendant de Sylvia. Les valets : Lisette, femme de chambre de Sylvia. Elle se plaît à rivaliser avec sa maîtresse en endossant son habit et en séduisant Arlequin, valet de Dorante. Il s'amuse des déboires de son maître et de ses propres succès amoureux auprès de Lisette. Les codes de bienséance de l'époque sont bien respectés, autrement dit, les nobles se marieront ensemble et les valets aussi de leur côté dans ce marivaudage bien ficelé où le message est d'échapper au mariage forcé qui était imposé à cette période. Pour retourner l'ordre établi les couples sont inversés : les seigneurs s'habillent en valets et les valets traquent les vêtements des seigneurs, ce qui engendre complications et quiproquos. Léonie Simaga interprète une Silvia gracieuse tout en légèreté et sensualité face à un Dorante-Alexandre Pavloff romantique, sombre et tourmenté. A l'opposé, le jeu forcé de Pierre Louis-Calixte en Arlequin impose la présence de Suliane Brahim en Lisette. Formidables sont le duo de comédiens Christian Hecq dans le rôle du père manipulateur, et celui du frère, Pierre Niney, qui observent discrètement ce jeu de rôle en mettent en confidence les spectateurs de ce qui se passe. Malgré la langue compliquée de Marivaux, les comédiens s'en sont bien tirés en offrant un spectacle réjouissant et éblouissant de ce « Jeu de l'amour et du hasard ». Les bravos et les hourrahs des spectateurs en témoignent. Bienvenue à la Comédie Française en Tunisie. On en redemande !