Jusqu'au 08 mai prochain, la galerie d'art et d'essai Le Damier prête ses cimaises à Selma Chérif Dziri pour une exposition personnelle intitulée « Retour à l'anormal ». Ce retour serait une rétrospection d'une rêverie, d'un songe qui prend ses assises dans un monde réel que le regard de l'artiste transforme en perception de tous les possibles où les techniques s'appellent, les matériaux se hèlent et où enfin la couleur transfigure le connu pour le plaisir d'une évasion le temps d'une visite… Qui ne connaît pas le classique « Alice au pays des merveilles » ? Ceux qui n'ont pas lu le livre de Charles Lutwidge Dodgson communément connu sous le pseudonyme de Lewis Caroll, auront certainement vu le film d'animation de Walt Disney ou plus récemment la version cinéma de Tim Burton. La démesure, la plongée dans le rêve d'une jeune fille nous ont passionnés et nous passionnent encore par la force de transcendance des angoisses et du merveilleux nocturne qu'on passe sous silence le jour venu. Selma Chérif Dziri ne présente pas une version plastique d' « Alice au pays des merveilles », elle est Alice ou plutôt elle est cette personne curieuse qui pose un regard interrogateur sur les choses de ce monde. Dans son regard, défilent les évènements marquants du quotidien. Mais loin d'une représentation banale et mièvre qui scande l'existence de tout un chacun, l'artiste hisse ce quotidien au rang d'art en l'exprimant à travers lignes et couleurs. Cette dernière est au cœur de l'œuvre. En effet, la palette est variée et riche. Nuances et variances se font écho et s'interpellent. Les chromatiques chaudes côtoient les chromatiques froides. Les couleurs primaires font naître les couleurs secondaires ; puis le tout se confond et s'imbrique dans un noir profond et mystérieux ou un blanc porteur d'espoir, ouvert sur l'inconnu. Selma Chérif Dziri nous entraîne dans un univers de mouvance. Un mouvement intrinsèque qui passe essentiellement par le jeu des coloris. Très peu de personnages peuplent l'œuvre de l'artiste. Selma inscrirait de la sorte son travail dans l'atemporalité. La présence humaine est soit un hommage, soit une dénonciation de la condition humaine. Très peu de lignes, également, dessinent les contours des objets et des lieux. Tout est suggestion, tout prend forme au gré du mouvement du pinceau. Une danse personnelle qui s'ancre dans le mystère et la mystique orientale ou dans l'esthétique occidentale. Le songe se métamorphose dès lors en expression artistique, en jeu alliant le ludique et le sérieux. Aux abords du rêve, l'œuvre de Selma Chérif Dziri nous place sur la ligne de jonction entre l'imaginé et le concret. Tels des funambules, on traverse ce fil où notre propre rêverie est mise à nu. On reconnaît les choses de la vie qui se meuvent en prémisses de songes. On balance entre deux univers sans camper dans aucun car à peine croit-on nous poser dans l'un que déjà il se dérobe sous nos pieds et nous voilà emmenés ailleurs. De ce « Retour à l'anormal », Selma Chérif Dziri inscrit son œuvre hors espace et hors temps. Comme Alice, elle rêve et nous transporte dans son rêve. Et lorsqu'on croit en sortir, on n'y retourne presque immédiatement car dans le mystère de cette création artistique quelque chose nous interpelle : le talent…