L'immobilier aux Etats-Unis s'emballe. Sur un an, le glissement des prix est supérieur à 10%. C'est la meilleure «performance» depuis 7 ans. 47 Etats sur 50 bénéficient de l'envolée. La palme revient au Nevada en hausse de 20% suivie de l'Arizona en hausse de 19% puis la Californie en hausse de 15%. Depuis 2008, la politique monétaire vise à reflater. Pour cela, on a soufflé une bulle des emprunts d'Etat, celle-ci semble avoir atteint ses limites. On a soufflé une bulle des marchés d'actions; malgré des records marginaux récents, les bourses ont du mal à aller plus loin. Une troisième bulle est en train d'être soufflée, c'est celle de l'immobilier. On notera que les bulles ne se succèdent plus, elles sont maintenant simultanées. Notre analyse est que le phénomène auquel on assiste est délibérément voulu. Bernanke et le système financier tentent une nouvelle expérience. Les grandes firmes qui agissent comme courroies de transmission de la politique de Bernanke achètent à tour de bras l'immobilier locatif, on dit même «raflent» le disponible. Elles en font une nouvelle classe d'assets d'investissement qu'elles commercialisent avec les mêmes méthodes que celles qui ont conduit à la crise des subprimes et autres. Nous ne les nommerons pas, mais elles constituent une bande des quatre. Ces quatre géants financiers font ce que l'on peut appeler de la finance d'arbitrage, de la finance de spread, la même que celle qui a conduit à la crise de 2008, la même qui est à l'œuvre sur les assets financiers. La suppression du rendement voulue par les banques centrales sur les placements sans risque provoque une recherche de rendement à tout prix par les épargnants et investisseurs. Les intermédiaires achètent donc des actifs qui rapportent un peu, un peu plus que ce que rapportent les placements sur les marchés, ils titrisent ces actifs, font des packages, prennent leur commission et le revendent aux investisseurs assoiffés de rendement. Ils gardent les meilleurs pour eux, cela ne vous rappelle rien? En fait, on a inventé un mécanisme de transmission de la politique monétaire de la Fed qui vient compléter celui qui est à l'œuvre sur les marchés d'assets. On est descendu d'un cran dans la moralité bien sûr, mais on est monté d'un cran dans l'échelle du risque. Car jouer avec le logement, c'est plus dangereux que jouer avec le casino financier. On verra pourquoi ci-dessous. Le prix de ces actifs peut monter jusqu'à ce que l'écart de rendement avec les taux de marché devienne insuffisant et jusqu'à ce que les intermédiaires ne puissent plus charger leurs commissions et frais. La limite de la «valeur», on devrait dire plutôt «prix» n'est pas intrinsèque aux logements locatifs achetés; non, la limite, c'est la marge, le spread. Tant qu'il y en a un, on peut inflater les prix. En fait, l'innovation du système a été de transposer au logement locatif la mécanique bullaire mise en place sur les assets financiers. Tant qu'ils rapportent plus que les treasuries, ils peuvent monter. Et si le rendement des treasuries est zéro, alors les prix des assets financiers qui rapportent encore quelque chose peuvent devenir infinis. C'est la théorie de Bernanke et celle de Greenspan et celle des banques qui fonctionnent à l'anglo-saxonne. Les banques qui évacuent le réel et le vrai risque, c'est à dire celui qui est lié non pas au marché mais à l'incertitude sur le futur. De même que nous soutenons que lorsque «l'exit» des politiques non conventionnelles se dessinera, les taux d'intérêt remonteront et la bulle des assets financiers se dégonflera, nous soutenons que le même phénomène se produira sur le segment de marché immobilier locatif «travaillé» par les amis de Bernanke. En pire, car la mécanique mise en place est en prise plus directe, les transmissions sont plus rapides et surtout les transitivités négatives s'enclenchent très vite dans ce secteur, compte tenu du rôle de cash exactor «ATM» que joue le logement. Avec le retour à des niveaux plus élevés de taux, tous les processus artificiels mis en place se trouveront en difficulté. La hausse des taux jouera sur la valeur des biens, le pouvoir d'achat, les capacités d'endettement, les solvabilités, la liquidité, etc. Nous soutenons que les gogos acheteurs de ces produits perdront beaucoup d'argent, sinon leur job. Nous soutenons que toute valeur fondée, non pas sur le réel, l'usage, le revenu interne, le cash-flow interne, toute valeur qui s'en écarte, est condamnée à la grande réconciliation, c'est à dire à la chute. Plus il y en aura, et plus la chute se transformera en rupture, c'est à dire en crise. En bonne analyse financière, la valeur d'un asset est égale à la somme actualisée à l'infini des cash-flows qu'il génère. C'est à dire qu'il y a un lien organique entre la valeur d'un actif et ce qu'il peut produire comme flux. Si vous manipulez le taux d'actualisation et que vous dites, à l'infini, éternellement, les taux vont rester quasi nuls, alors vous justifiez le prix bullaire. Si vous prenez des moyennes historiques de très long terme, alors votre taux d'actualisation est considérablement plus élevé et, pour justifier la valeur de votre asset, vous devez augmenter le cash-flow interne exigé. Dans le cas des assets financiers, ce souci de justifier la valeur bullaire des assets se traduit par une exigence de croissance des profits à des niveaux hors normes. Il faut pour soutenir les cours et ne pas se faire «virer» que les managers «délivrent» (deliver) comme on dit. Ce phénomène explique en partie les marges exceptionnelles des entreprises, leur recherche forcenée de la productivité et, bien sûr… le chômage. Le déficit de l'Etat vient compléter le maigre pouvoir d'achat des salaires subsistants. Il est indispensable pour que la demande adressée à l'économie soit suffisante. En fait, le déficit fiscal est une condition obligatoire de la formation de bulles, nous y reviendrons un jour. Les taux sont à un record de plus bas historique, les marges sont à un record de plus haut historique et, tout à fait logiquement, les déficits des budgets sont à des records de plus hauts historiques. S'agissant des activités de nos financiers qui enflent les prix du logement locatif et réalisent un spread, il faut noter qu'ils travaillent dans un environnement où les revenus salariaux ne montent pas, voire s'effritent. Donc la solvabilité moyenne des locataires ne s'améliore pas, logiquement la valeur du sous-jacent, le flux, le cash-flow n'augmente pas. Que font nos financiers, ils imposent une hausse considérable des loyers. Ainsi, en 6 mois, nous avons vu dans un programme racheté par nos financiers, un loyer qui était déjà bien à son prix, passer de 1729 dollars par mois à 1940 dollars. Sans travaux, sans améliorations. Cela signifie que nos financiers tordent le cou des locataires, de la même manière que les entreprises pour délivrer les profits exigés par le niveau de leur cours de bourse, tordent le cou des salariés et les mettent au chômage. Les fameux licenciements boursiers dont parlent les gens de gauche n'ont pas d'autre origine, même s'ils ne comprennent pas bien ce qu'ils disent. Mais, dans le cas du logement locatif, le phénomène est plus grave et plus rapide que dans le cas des assets financiers. Pourquoi? Parce que le loyer entre plus directement dans l'indice des prix, il crée une pression à la hausse, laquelle se transmet à tous les secteurs protégés, les secteurs inefficaces déjà, les plus parasites: les services. On a une distorsion en chaîne de l'allocation de ressources dans la direction la plus scandaleuse, la plus contre-productive à long terme. On re-détourne des ressources qui, mieux utilisées dans le secteur productif, seraient à long terme ré-équilibrantes de nos systèmes. Complémentairement, l'activité de nos financiers évince les candidats acquéreurs sérieux du marché, substitue une demande spéculative à une demande d'usage. Complémentairement, les locataires ou candidats locataires sont étranglés et ont le choix entre se rebattre sur des logements plus médiocres, soit devenir SDF. Et, en plus, réduire leurs autres achats! Source : L'AGEFI Pavé : La soif de rendement créée par les Banques Centrales produit des effets pervers qui, au lieu de traiter la crise, l'aggravent et préparent la prochaine implosion. La soi-disant politique monétaire destinée à lutter contre le chômage l'accroît, la soi-disant politique monétaire destinée à lutter contre la crise du «housing» l'entretient et l'aggrave. La politique mise en place depuis 2008 est une politique injuste, inefficace, dangereuse. Elle met en péril l'ordre social.