Bady Chouchène est un habitué de la Galerie Aïn : il a exposé maintes fois dans cette galerie qui joue depuis des années un rôle important dans la région de la Goulette et du Kram et dans la banlieue-nord en général pour mettre en valeur l'art pictural et les métiers d'art et faire connaître au public les artistes tunisiens, académiques et autodidactes. Cependant, à chaque fois, on ressent une évolution continue dans le parcours de l'artiste, quoi que les touches personnelles restent immuables. C'est dans l'œuvre qu'on reconnaît l'artiste. En effet, Bady Chouchène expose en effet ses récents travaux, produits au lendemain de la Révolution. Aussi peut-on remarquer, dans certaines toiles, cette immobilité des éléments peints, ce qui reflète le statu quo maintenu dans le pays et la stagnation, à tous les niveaux, depuis la Révolution. A part les tableaux qui regorgent de couleurs et de lumières qui incarnent tous nos espoirs d'un avenir meilleur. Dans cette exposition, on compte plus d'une trentaine de toiles où l'artiste navigue entre le semi-abstrait, sous un regard tantôt expressionniste, tantôt impressionniste, abordant plusieurs thèmes à la fois : des peintures à l'huile de différents formats représentent la Médina, ses artisans, ses portes, ses ruelles et ses souks. Sur la porte d'une maison traditionnelle s'est écrit « A louer », sur l'autre, on peut lire « A vendre ». Cela rappelle peut-être l'abandon de ces habitations par leurs propriétaires originaux, qui sont allés s'installer ailleurs, dans des cités côtières, dans de nouvelles villas modernes. Dans toutes les toiles, le souci de l'artiste est le contraste des couleurs et la transparence des lumières, deux éléments qui garantissent la profondeur et la réussite de la composition. On note cependant tantôt le recours, quoi que souvent exagéré, aux couleurs sombres, tantôt aux couleurs plus gaies, mais toujours à bon escient, comme on en voit sur cette toile représentant cette porte ouverte sur une rue de la Médina d'où émane une profusion de blanc à l'extérieur et un intérieur tout en noir. C'est, en fait, ce contraste qui donne toute la beauté et la splendeur du tableau. « Femme de Kairouan » et « Femme en sefsari », deux toiles traitées d'une manière profonde, témoignent d'une certaine nostalgie des années d'antan et donnent envie de retourner aux us et coutumes des années antérieures! Ces deux travaux mettent en relief l'authenticité et le naturel de la femme tunisienne dans sa vie quotidienne qu'elle menait en toute quiétude et sans aucun complexe, alors qu'aujourd'hui et depuis la Révolution 2011, la femme tunisienne semble menacée par des groupes obscurantistes qui veulent lui dicter une certaine façon de se comporter et de s'habiller ! De même dans « Marchand », « le boucher », « Etalage », on ressent la mise en valeur de certains métiers artisanaux devenus obsolètes, car sous-estimés par les jeunes d'aujourd'hui dont certains préfèrent le chômage que d'exercer un des métiers manuels, base de notre patrimoine artisanal, ces métiers dont on ne saurait se passer ! Bref, Bady Chouchène, toujours séduit par le patrimoine et l'authenticité, nous présente des œuvres puissamment orchestrées, au niveau des couleurs et des lumières, créant toujours de fortes sensations chez le public.