Le metteur en scène Mounir Argui, qui s'est spécialisé dans la comédie, propose pour la deuxième fois, après « Antigone », une tragédie du genre classique « Arrahib, Ibn Alaghlab » dont le texte a été écrit par Abdelkader Ltifi, dramaturgie de Hamdi Hmaidi. Produite par le Théâtre National, la pièce a été présentée les 17, 18 et 19 mai au Quatrième Art. « Arrahib, Ibn Alaghlab » se déroule le soir du décès de l'émir des Aghlabites, Abou Algharaniq, les notables et les dignitaires de la ville de Kairouan ont demandé au gouverneur, son frère Ibrahim II connu pour sa probité et sa piété de prendre le pouvoir à la place du successeur désigné, son neveu. Après hésitation et réflexion, il a accepté cette charge. Dès l'aube du premier jour de son investiture, il massacre tous les fidèles qui se sont opposés à sa désignation et ouvre ainsi la voie à une politique de répression qui conduit à la révolte des affamés et des victimes de la cherté de la vie ainsi qu'à l'élimination physique des collaborateurs, des membres de sa famille et des serviteurs dont il n'apprécie pas les réticences et les critiques. Sous le règne d'Ibrahim II, Ifriqya réussit la conquête de la Sicile et d'autres contrées, mais elle connait également le soulèvement des tribus berbères. Des troubles secouent plusieurs villes dont en particulier la ville de Qoutama tombée sous l'influence du chiite Abdallah. Ces épisodes tragiques de l'histoire de la Tunisie sont écrits par un homme d'Etat sanguinaire, par un prince terrible. La pièce fait donc revivre les années de pouvoir d'Ibrahim II dit Arrahib. Sans tout à fait s'écarter des faits historiques, Mounir Argui crée une tragédie aux accents shakespeariens, une sorte d'opéra visuel exaltant la grandeur et la décadence d'un dirigeant sanguinaire. Il s'agit d'une tragédie sur le pouvoir. Il est plus que probable que le metteur en scène ait voulu dépeindre les dirigeants actuels au travers d'Ibrahim II ou veut-il mettre en garde contre les dérives du pouvoir d'un seul homme. Sur le plan visuel, la pièce est la fusion de plusieurs composantes : costumes, décors, maquillages au service d'une idée, d'un propos. Une évocation dantesque sur la prise du pouvoir et sa chute évoquée sciemment lorsque Ibrahim II noyé dans la démence et rongé par le remord dont la face devient presque clownesque. Nous sommes témoins de l'absurdité du pouvoir et d'une partie de l'histoire de la Tunisie qui selon les propos de la pièce se répété encore aujourd'hui de manière sous-jacente. La pièce est portée par une pléiade de comédiens solides et sûrs dont Halima Daoud, Béchir Ghariani, Slah Msaddek, Jamal Madani, Faouzia Thabet, Naouress Chaâbane, Abir Smidi, Mohamed Jriji, Chiheb Choubail, Moncef Ajingui, Nader Bel Aïd, Habib Ghezal, Fethi Miled, Jihed Hafedh, Zlait Yahyaoui, Mohamed Hédi Mejri et Saber Jendoubi.