“Omar” film palestinien d'Hany Abu-Assad et « Gris-gris » film tchadien de Mohamed Salah Haroun, le premier projeté dans le cadre de la section Un Certain Regard et le deuxième en lice pour la Palme d'Or, apportent un peu de soleil à une Croisette plutôt maussade. On avait un peu perdu de vue, Hany Abu-Assad, excellent cinéaste palestinien (né à Nazareth en 1961) depuis« Paradise Now” (2005), film-choc sur des kamikazes partis se faire exploser dans des bus israéliens et soudain freinés dans leur élan, hésitant alors que le compte-à-rebours des bombes est lancé. Suspense et réflexion, cinéma et politique : « Omar », présenté à Un certain regard, revient à la même veine.Un mélange des genres assez réussi par ce réalisateur en quête de reconnaissance. Dans « Omar », Hany Abu-Assad suit à nouveau de jeunes Palestiniens prêts à passer à l'action, des amis d'enfance qui ont décidé de créer leur propre cellule de résistance et, un soir, abattent un soldat israélien, au hasard. Les représailles sont rapides, violentes et conduisent, non seulement, un des trois garçons en prison, mais révèlent que l'un d'eux est un traître. Omar, le seul qu'on sait innocent, est soupçonné par les siens et manipulé par les Israéliens, qui veulent en faire un collaborateur. Le récit que met en place, assez brillamment, Hany Abu-Assad mêle situations de guerre et guerre des gangs, soupçons, infiltration, manipulation. Ce sont là d'authentiques ingrédients du cinéma de genre, réunis par un metteur en scène qui sait superbement filmer, à la fois doué pour capter les visages et pour mener une course poursuite haletante à travers des ruelles. Ces qualités sont ici mises au service d'un propos qui touche une vérité : la cause palestinienne qui est l'histoire d'un pays et des hommes et l'histoire personnelle d'Omar dont la bien-aimée se donne à un copain. Comme dans l'une et l'autre histoire, c'est la question de l'honneur qui est mise en question. Plutôt dans l'efficacité que dans la subtilité de l'analyse politique, ce thriller veut tenir le spectateur en haleine. Entre cinéma d'auteur et cinéma commercial, Hany Abu-Assad signe un bon film violent certes mais d'une réalité poignante sur le thème de la trahison. Le rêve brisé de Gris –Gris « Gris-Gris » marque le retour à la compétition officielle de Mohamed Salah Haroun. En 2011, il avait participé avec « Un homme qui crie » puis revenu l'année suivante dans le jury présidé par Robert de Niro. Gris-Gris la jambe handicapée, rêve de devenir un grand danseur. D'ailleurs, il danse merveilleusement bien. Son beau-père souffrant, il se trouve obligé de faire du trafic d'essence pour amasser rapidement un maximum d'argent et le soigner. Dans cet univers impitoyable, les trafiquants tiennent à l'éliminer s'il ne leur fournit pas le produit en question. Pourchassé par ces trafiquants, Gris-Gris fuit en compagnie de la femme qu'il aime dans la brousse où il trouve son salut notamment grâce aux femmes du village qui le sauvent d'une mort certaine. Mohamed Salah Haroun évoque la misère de l'Afrique à travers ce personnage handicapé contraint de se dépasser pour donner la preuve de son talent. Il montre que le salut de l'Afrique ne peut venir que par la femme, qui grâce à son courage et à sa ténacité, peut faire avancer les choses. Un véritable film d'auteur plein d'émotion et dont la trame ne manque pas de suspense.