Le Club Africain et Wifak Bank signent un partenariat stratégique    Ben Arous : cette nuit, déviation partielle de la circulation au niveau de l'hôpital des grands brûlés    Suspension temporaire des services du Registre National des Entreprises    ASM- ASS (1-0) : Et Ahmed Hadhri surgit !    Le CSS l'emporte in extremis : Chèrement acquis    Le CAB enchaîne un deuxième succès contre : l'ASG Trois points précieux !    Programme officiel : découvrez les dates et matchs de Ligue 1 !    Les facultés tunisiennes interdisent les jeans déchirés et les jupes courtes    Vente de stupéfiants en milieu scolaire : un dealer condamné à neuf ans de prison    Dr Béchir Gueddana: Cinquante ans de militantisme    Croissance annoncée par l'INS : Houcine Rhili exprime de sérieux doutes    Conseil du deuxième district : Ahmed Barouni répond aux critiques de Ben Zineb    De Paris à Varsovie, la diaspora tunisienne peut désormais financer les PME locales    Universités tunisiennes : la longueur des jupes plus urgente que la qualité des cours    Boulangeries : deux mois de compensation réglés, pour un total de cinquante millions de dinars    Tunisie : El Fouladh lance un concours pour recruter 60 agents    80 000 policiers mobilisés : Paris sous haute tension    Coupe du monde 2026 : l'Afrique du Sud menacée d'une lourde sanction !    USMO : fin de l'aventure pour Victor Musa    Fort séisme de magnitude 7,8 en Russie, alerte au tsunami déclenchée    Indonésie : Séisme de magnitude 6,1 en Papouasie    Kais Saied dénonce les coupures intentionnelles d'eau et d'électricité et critique la gestion administrative    Affaire de corruption : Taieb Rached et Najib Ismail resteront derrière les barreaux    Pluies intenses prévues sur l'ouest de la Méditerranée !    Tunisie : arrestation de 19 criminels dangereux à Zahrouni    Kaïs Saïed dénonce une « guerre acharnée » contre l'Etat tunisien    Habib Touhami: Quand ressurgissent les fantômes du passé!    Onu-Veto américain à un projet de résolution pour un cessez-le-feu à Gaza    Météo : Soleil et mer calme    Grèves en France : des centaines de milliers de manifestants dans la rue    Les Etats-Unis opposent à nouveau leur véto à l'ONU sur Gaza    La BH BANK renouvelle ses interventions sociales en partenariat avec l'Union Tunisienne de Solidarité Sociale    Open de Saint-Tropez : Moez Echargui qualifié pour les quarts de finale    Industrie tunisienne : exportations +1,9 %, importations +8 %    Journée internationale de l'ozone : la Tunisie réaffirme son engagement aux côtés de l'ONUDI et de l'ANPE    La Tunisie gagne des places dans le classement de la FIFA    Vol Paris-Corse : plus de 15 minutes dans les airs... ce qui s'est passé va vous surprendre    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Le président est dans un oued, le gouvernement dans un autre    Le ministre de la Défense s'entretient avec le prince héritier du Koweït    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    "The Voice Of Hind Rajab » film d'ouverture du Festival du film de Doha    Mois du cinéma documentaire en Tunisie : une vitrine sur le cinéma indépendant et alternatif    Elyes Ghariani - La solution à deux Etats: clé de la justice pour les Palestiniens et de la stabilité régionale    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    Décès de Robert Redford légende du cinéma américain    1,5 million de dollars pour faire de la culture un moteur de développement en Tunisie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«La nécessaire quête d'un langage universel pour la Palestine»
L'entretien du lundi Michel Khleifi (cinéaste)
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 04 - 2013

Mémoire fertile (1980), Noces en Galilée (1987) ou encore Route 181 (2003) sont des œuvres majeures du répertoire filmique palestinien. Elles sont signées Michel Khleifi qui a quitté Nazareth en 1970, pour étudier le théâtre à l'Institut national supérieur des arts du spectacle et des techniques de diffusion (Insas) en Belgique. Du théâtre à la télévision puis au cinéma, c'est aujourd'hui l'auteur d'une dizaine de films acclamés par le public et la critique, où il défend autant la cause palestinienne qu'un langage cinématographique libéré. Sa caméra est le témoin d'une déclaration d'amour renouvelée avec chaque film pour sa patrie. Son projet cinématographique est un road-movie inventé sur la route fertile de la recherche et de la réflexion, dont il nous parle, ce lundi. Ecoutons-le.
Comment vous est venue la décision d'étudier le cinéma, de devenir cinéaste? Quel était le déclic?
C'est tout à fait par hasard que je me suis intéressé au cinéma. Je ne pensais pas que j'étais destiné à cette carrière. J'aimais le cinéma comme n'importe quel gosse de mon quartier. Très jeune, je me suis rendu compte qu'il y avait de bons et de mauvais films. J'ai découvert mes vrais penchants pour le cinéma quand j'ai vu America America d'Elia Kazan. C'était juste après le mariage de ma sœur et j'y ai vu des intimités personnelles. C'est à partir de là que j'ai eu cette tendance à cibler les œuvres à portée humaine et universelle.
Comment définiriez-vous votre projet cinématographique?
Les choses se sont développées petit à petit, d'une manière surprenante. J'aimais lire les pièces de théâtre et c'est le rêve du théâtre qui m'a mené au cinéma. Et puis la formation politique et l'engagement m'ont donné le goût du cinéma qui explore des thèmes et des vérités, d'ordre humain et social. Il fallait trouver un langage universel pour la Palestine, traiter le sujet d'une manière qui interpelle tout le monde, indépendamment des nationalités, des races, des relations et des classes.
J'ai découvert le cinéma à l'Insas. Je me suis inscrit au théâtre et c'est ainsi que je me suis intéressé, d'une manière plus rigoureuse, à l'histoire du cinéma, à l'esthétique, aux mouvements et aux auteurs. Je me suis rendu compte que j'aimais tous ceux qui libèrent le langage cinématographique. Il y a ceux qui l'inventent, ceux qui l'utilisent et ceux qui le libèrent. Puis, je me suis fait des amis dans le domaine et j'ai découvert le cinéma du réel, le néo-réalisme, la Nouvelle vague, le post-expressionnisme. D'un coup, tout un monde s'ouvrait à moi, me poussant à réfléchir sur ce qui en émanait, sur ce qu'on avait à en faire, sur la création artistique et sur sa synthèse, sur la modernité, l'émancipation... Un processus de plusieurs années.
Dans vos films, le documentaire et la fiction se côtoient. Comment se fait l'élaboration technique et esthétique de cette rencontre?
Dès le départ, à l'Insas, mes deux premiers exercices ont étonné les gens. Comme je suis d'origine modeste —j'ai travaillé comme ouvrier pendant 5 ans—, cela m'a donné la rigueur d'un artisan. Cela m'a appris à être organisé et à respecter mes rendez-vous. Par ailleurs, il y avait eu, avant que je ne commence ma carrière, des tentatives de projets de films non aboutis, produits par l'OLP. C'était un cinéma militant lié à l'idéologie de groupe et c'était fait à l'extérieur de la Palestine (Jordanie et Liban, essentiellement). Découvrant la puissance du cinéma, j'ai pris conscience que je devais mener une action importante, celle de filmer —d'archiver, donc— les rites, les chants, les paroles des gens... l'expérience humaine palestinienne, menacés de disparition de la mémoire collective. Dans Mémoire fertile, je mets plein de choses à la fois. Je savais, dès le départ, que mon cinéma allait constituer une sorte d'archives de différents niveaux de la vie palestinienne, et comme je voulais que ces films ne meurent pas, j'ai travaillé le côté universel de l'écriture. Le film doit exister par lui-même, comme une œuvre artistique.
Dans votre œuvre, vous tendez beaucoup la caméra à l'ancienne génération de Palestiniens. Trouvez-vous que c'est ce qui leur a manqué dans leur combat?
Bien sûr. Dans les reportages que j'ai réalisés avec la télévision belge à mes débuts, j'ai compris la société palestinienne, j'ai appris à l'aimer. Les gens ont un discours sur la vie, mais ne parlent jamais de leurs expériences profondes. C'est ce qui m'intéresse le plus. Je trouvais des vérités chez les femmes, les enfants, les gens simples qui ne transforment pas leur combat quotidien en discours politiques creux. J'ai appris que regarder à travers la caméra, c'est placer une position politique. Il y avait toute une réflexion sur la pensée, l'œil et la caméra comme médium froid, mais qui doit être dirigé par le point de vue du réalisateur. C'est à partir de là que j'ai commencé à préparer ma vision cinématographique.
Vous dites que Zindeeq, votre dernier film, est une réponse au post-modernisme. Que lui reprochez-vous?
Il dissocie le sujet de la forme. Je pense que dans la complexité d'un sujet, la forme est importante, mais, pour ce courant, ce qui est acquis est acquis, il ne faut pas le questionner, d'où cette obsession de la forme. Imaginons que ce film soit fait par des post-modernes, il n'y aurait que l'aspect formel. C'est-à-dire que toute l'intensité dramatique qui exige du spectateur de participer dans la réflexion, disparaîtrait. Personnellement, je montre que le sujet est plus fort que l'œuvre et non l'inverse.
Vous avez réalisé Route 181 avec Eyal Sivan, un Israélien. Que pensez-vous du débat sur la «normalisation culturelle»?
Je ne considère pas faire ce film comme une normalisation culturelle. Notre objectif était de parler de l'occupation de la Palestine. Je ne crois pas à une solution à deux Etats. Je suis toujours lié à la libération de la Palestine, sans la négation de l'autre. Il faut chercher une solution, en trouvant des camarades qui peuvent travailler avec nous pour construire l'avenir. Quand je trouve quelqu'un comme ce réalisateur qui est plus engagé que beaucoup d'Arabes pour la cause, je n'hésite pas. Je ne suis pas raciste. Quand je vois l'émiettement dans le monde arabe cela me fait mal. L'ennemi, tôt ou tard, il faut discuter avec. Dans le monde arabe, les riches parlent bien aux riches israéliens, les militaires font de même. Quand je trouve un réalisateur, comme moi, attaché à la libération de la Palestine et à la compréhension de l'Histoire, je suis fier de travailler avec lui. Etre sectaire nuit à la cause. Est-ce que c'est une normalisation? Absolument pas!
Les Palestiniens de 48 constituent cinq générations qui ont vécu sous l'occupation et, de ce fait, ils ont été obligés de faire des choses avec l'occupant. Comme pour l'apartheid, je suis pour le boycott, mais contre le fait de boycotter les militants blancs. Dans le parti de Nelson Mandela, il y avait beaucoup de Blancs.
Si vous deviez faire un film sur autre chose que la Palestine, ce serait sur quoi?
J'ai déjà travaillé et écrit des scénarios sur d'autres thèmes, un drame historique sur le canal de Suez, entre autres. Je ferai un film sur l'exil d'Ovide. C'est une histoire qui me bouleverse. C'est une réflexion sur l'être, sa culture et la rencontre avec une autre culture. Cela peut être un très bon film.
Qu'est-ce qu'il faudrait, à votre avis, pour une relance culturelle et sociale dans le monde arabe?
Nos problèmes sociaux ne résident pas simplement dans le genre de régime que nous voulons. Il nous faut réfléchir à un projet commun d'avenir, une stratégie d'avenir que tout le monde accepte. Le politique doit œuvrer dans cette stratégie. Dans les pays développés, peu importe que la gauche ou la droite remporte les élections, ce qui compte c'est la raison d'Etat. Nous n'avons pas la même chose parce que les individus ne sont pas libres. On ne sait pas comment s'exprimer ni comment utiliser la liberté, la responsabilité et le devoir de s'exprimer. Je pense que tant qu'on ne se pose pas ces questions, dans le monde arabe, nous resterons toujours dans la phase de constitution d'une société.
Ou bien on décide qu'on est riche (humainement et culturellement) et on se pose la question «que faire de cette richesse», ou bien on est pauvre et on se pose la question «comment devenir riche». Il faut donc de la créativité et une bonne stratégie.
En Tunisie, je pense qu'il faut poser les questions fondamentales plutôt que de faire la quête auprès des pays du Golfe. Cela est, également, valable aussi pour les Palestiniens.
La jeune génération de cinéastes arabes est face à une nouvelle réalité, à de nouveaux défis et enjeux. Pensez-vous qu'elle soit dans la continuité ou dans la rupture avec votre génération?
Notre génération est très différente de la leur. Au Maroc et en Algérie, il y a une reprise et cela devrait bouillonner. L'Egypte et le Liban donnent des signes de nouveauté et les choses bougent. Il y a aussi le cinéma de femmes qui émerge. Mais tout cela restera dans la marge, parce qu'on n'a pas un marché arabe. Quand ce n'est pas le pouvoir qui nous interdit de faire des films, c'est l'opposition qui le fait. On a peur des libertés et de la libre circulation des idées. On ne considère pas les gens comme des adultes capables de décider par eux-mêmes. La paralysie, c'est exactement cela.
Quels sont vos futurs projets?
J'en ai plusieurs. Je ne sais pas lequel va émerger. Le problème, c'est de trouver le financement et ce n'est pas facile.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.