Deux tendances s'affrontent à propos de la loi d'immunisation de la révolution. Certains estiment que cette loi est un moyen de se préserver contre tout retour de la dictature. D'autres considèrent que la loi est contraire aux droits politiques et elle illustrerait plus un désir de vengeance qu'un désir de réconciliation. Aziz Krichène ministre conseiller politique du Président Moncef Marzouki a bien voulu se confier à notre collaborateur Le Temps :Comment jugez-vous la situation politique actuelle du pays ? Aziz Krichène : Elle est inquiétante car elle est marquée par une très grande polarisation traditionnelle islamiste et anti-islamiste. Cette polarisation est dangereuse pour le pays. Il s'agit d'opposition qui revêt des formes de très grand rejet de l'autre et par conséquent des formes de violence qui affecte l'unité et la stabilité du pays. Toutes les forces politiques qui sont entre ces deux pôles ont tendance à disparaitre. Donc il est difficile de voir le champ politique se renouveler et là on est en train de revenir à des formes politiques du passé que le mouvement révolutionnaire déclenché le 17 décembre 2010 avait précisément pour ambition de dépasser. Donc c'est aussi une régression sur le plan de notre histoire politique. Le pays se retrouve coincé entre des choix qui ne portent pas le renouvellement mais qui sanctionnent un Etat politique passé Où se situe le CPR dans ces tiraillements politiques ? Le CPR essaie très difficilement de trouver sa voie puisque lui aussi est aspiré par ce mouvement de bipolarisation et la réunion d'Hammamet a pour objectif de clarifier et de contribuer malgré les difficultés à l'émergence d'un pôle démocratique qui représente une alternative véritable par rapport aux deux autres pôles politiques Cette division au sein du parti avec la démission de certains leaders a-t-elle affaibli le parti ? Ce phénomène ne concerne pas uniquement le CPR mais toute la classe politique. Depuis deux ans maintenant un mouvement continuel de division, de regroupement c'est comme on est en train d'enfanter de nouveaux paysages politiques. Le danger aujourd'hui que ce travail d'enfantement risque d'avorter du fait de la cristallisation de l'opposition Nahdha –Nidaa Tounes Que pensez-vous du rapprochement entre L'Union de Tunisie et le Front populaire ? La polarisation est en train de faire du ravage. Des gens qui étaient hier frontalement opposés à ce que pouvait représenter Caïd Essebsi, aujourd'hui le rallient. C'est très dangereux pour le pays et pour le Front de gauche Quelle est votre position sur la loi de l'immunisation de la révolution ? Je me suis plusieurs fois exprimé à ce sujet. On aurait pris ces mesures immédiatement après les élections du 23 octobre. Cela aurait être comprise et soutenue par la population et aurait permis d'aller dans le démantèlement de l'ancien système d'une façon plus assurée. Mettre hors la loi les principaux symboles de l'ancien régime et mettre en place un des mécanismes de la justice transitionnelle pour d'autres responsables mais qui n'ont pas exercé une responsabilité dans les anciennes dérives, cela aurait certainement contribué à ramener rapidement un minimum de stabilité dans le pays. Cela n'a pas été fait. Aujourd'hui nous sommes à la veille des élections, sortir ce projet de loi aujourd'hui c'est modifier la règle du jeu politique à quelques mois des élections. Ce qui est anormal. Nous l'avons dit à plusieurs reprises au niveau de la Présidence de la République. Le chef de l'Etat l'a répété dans l'entretien qu'il a eu avec Yadh Ben Achour .Cette loi a pris du retard et n'a plus aucun sens aujourd'hui.