Du 3 juillet au 4 novembre 2013, le Centre Pompidou rend hommage à Roy Lichtenstein en exposant une centaine de ses œuvres. Collages, tableaux, détournement de bande-dessinées... Après Londres, le pop art envahit la capitale. Visite guidée. Tout comme Edward Hopper, on connaît par cœur les tableaux de Roy Lichtenstein (1923-1997). Ou plutôt leurs reproductions (de la carte postale au mug, en passant par le coussin) qui en ont fait des emblèmes de la pop culture. Et le premier mérite de la superbe rétrospective que consacre le Centre Pompidou au peintre américain est de rétablir les véritables dimensions de ses toiles. Les grands formats restituent pleinement les points de trame et les aplats de couleurs qui sont la marque de fabrique de l'artiste. Et montrent que l'agrandissement et le détournement des planches de bandes dessinées et de publicités est bien plus qu'un gimmick ironique. Le « choc visuel » que le peintre disait rechercher est toujours là, cinquante ans après. Lichtenstein doit sa notoriété à son fils de 6 ans qui le met au défi de faire aussi bien que Walt Disney en lui montrant un dessin de Donald et Mickey. En 1961, Lichtenstein le prend au mot et peint Look Mickey, premier jet d'une série de toiles inspirée de personnages de comics strips. Les jeunes femmes brunes préfèrent se noyer qu'appeler à l'aide Brad (Drowning Girl, 1963), les jeunes femmes blondes ont des chagrins d'amour (Hopeless, 1963), tandis que, la même année, les hommes font la guerre (contre un Nord Vietnam non cité) dans Torpedo et Whaam ! Et, de même que pour Warhol une bouteille de Coca-Cola vaut la Vénus de Milo, une poubelle à pédale (Step-on Can with leg, 1961) ou une simple éponge dans la main d'une femme (Sponge, 1962) deviennent le sujet d'un tableau. Une image peu glamour de l'American way of life qui contribue à le faire élire « plus mauvais peintre de l'année » par le magazine Life en 1964. Avec Look Mickey, et grâce au galeriste new-yorkais Leo Castelli, Lichtenstein devient une star internationale. Dix ans après ses débuts à New York, alors que l'expressionnisme abstrait, autour de la figure héroïque de Jackson Pollock et de son action-painting, domine. Ce n'est pas un hasard si les commissaires de l'exposition ont placé dans la première salle les « brushstrokes » de Lichtenstein, toiles qui parodient l'expressionnisme abstrait de Pollock et Willem de Kooning. Des clins d'œil qui s'inscrivent dans la relecture permanente des grands maîtres par Roy. Le cubisme de Picasso (Femme d'Alger), le thème de la danse chez Matisse, la chambre du peintre à Arles de Van Gogh, les cathédrales de Rouen de Monet, Mondrian… Chacun passe à la moulinette du point d'imprimerie (exécuté à l'aide de grilles ou de pochoirs) cher au peintre pop. Bien sûr, comme le reconnaît Lichtenstein lui-même, l'admiration va de pair avec la parodie. Le pop art ne s'est pas fait en un jour et Lichtenstein ne vient pas de nulle part. Surtout, à la manière de Rothko et de bien d'autres peintres abstraits, mais avec des moyens opposés, Lichtenstein aura tenté de continuer à faire de la peinture tout en cherchant à « sortir » de la peinture. Ses « jeux » avec le cadre sur certains tableaux de la section Perfect/Imperfect le montrent autant que ses filles blondes et tristes extirpées des produits de grande consommation (pub et BD) pour se languir sur la toile. Et, dialectique implacable, devenir des icônes de la culture de masse.