Il y a un temps, la question a été posée à Ghannouchi quant au modèle social qu'il propose à la Tunisie. La réponse du chef de file nahdhaoui était de laisser libre cours à ce qu'il appelle « la confrontation sociale » qui fait que les adversaires sociaux, idéologiques et politiques se livrent à des rivalités qui selon le cheikh ne peuvent qu'être « émulatives ». Un an et demi après, le résultat est là. Sur le terrain, la fameuse conception de la « confrontation sociale » s'est avérée être le stimulateur du terrorisme intellectuel qui a cédé face au terrorisme tout court, devenu un moyen d'action pour résoudre les conflits. Les choses ont commencé lorsqu'on est entré dans les rivalités mesquines entre islamistes et anciens communistes ou libéraux ou encore panarabes tous se disputant le statut de démocrates. La rivalité sournoise entre les deux camps a réveillé la vieille haine qui fermente dans les esprits et qui ne s'est jamais désarmée depuis qu'elle était dans les bancs de l'université tunisienne …et désormais personne n'est en mesure de déterrer la hache de guerre. Et dans tout cela le Tunisien semble contraint à se positionner dans une lutte non pas entre « le bien et le mal mais plutôt entre le pire et le moindre mal ». Et pour revenir à la fameuse théorie de Ghannouchi il faudrait rappeler qu'elle a donné lieu à des joutes politiques au degré primaire du discours qui n'est autre que l'insulte et l'invective. Mais on n'en est pas resté là. La violence morale et physique a cédé au terrorisme intellectuel et au terrorisme opérationnel sur le terrain. La première embuscade terroriste contre l'Armée a relancé le débat sur le dysfonctionnement sécuritaire sous nos cieux et sur le laxisme du gouvernement ou encore la complicité de personnes influentes à l'intérieur même de ce gouvernement à majorité nahdhaoui. Chose qui a motivé les accusations souvent malveillantes, infâmes et mensongères et quelques fois précises. Les islamistes au pouvoir sont montrés du doigt pour avoir montré du laxisme vis-à-vis de la secte djihaddiste. Et si la situation sécuritaire s'est dégradée ne serait-ce qu'à cause de la dissolution des deux cellules de crises communes entre les services de sécurité militaire qui ont été ainsi étant empêchés d'enquêter comme il se doit sur les commanditaires des opérations terroristes au Mont Chaambi, sur les réseaux qui envoyaient les djihaddistes en Syrie ou encore sur les meurtriers des hommes politiques Chokri Belaid et Mohamed Brahmi. Sans oublier l'administration de la sûreté d'Etat dissoute du temps du gouvernement Béji Caied Essebssi et sans pour autant être remplacée par une administration républicaine dont le but est la lutte contre le terrorisme. Dans la foulée il faut rappeler des faits dont on rit pour ne pas en pleurer. Et c'est Khaled Tarrouche le porte parole du ministère de l'intérieur du temps d'Aly Larayedh qui pour justifier l'existence de camps d'entraînement de djihaddistes au Mont Chaambi a prétendu que ces personnes pratiquaient de la gymnastique. Cela n'est pas moins aberrant que les déclarations du cheikh nahdhaoui qui avançait il y a quelques mois que les salafistes lui « rappellent sa jeunesse et qu'ils sont les précurseurs d'une nouvelle culture en Tunisie ». Il va sans dire que la Tunisie vit aujourd'hui une véritable crise de la légitimité du gouvernement nahdhaoui qui essuie des échecs sur tous les plans économique, sécuritaire, social et politique. Pour la résoudre Ghannouchi ne trouve pas mieux que de monter un camp contre l'autre et ne semble en aucun cas délaisser sa théorie de la « confrontation sociale »… « Eux les putschistes, nous les légitimes. », disait le chef de file nahdhaoui qui divise plus qu'il ne rassemble, avant même de se livrer au délire d'identification au Prophète « Ennahdha est sorti de la Mosquée Sidi Youssef tout comme l'Islam qui est sorti de la caverne Hirra ». La démagogie du cheikh est digne d'un leader d'une confrérie islamique et non pas d'un leader religieux encore moins d'un homme politique. De son côté, la base nahdhaouie a appréhendé qu'il y a bien un ‘'mélange'' indissociable fait du triptyque « Ennahdha, Islam et Chariaa ». Une sauce à la légitimité nahdhaouie qui nous rappelle l'argument électoral qui les a propulsés au devant de la scène politique et qu'ils ont toujours renié. Et face à une crise politique de la légitimité contestée ou consumée, le parti de Rached Ghannouchi résume la situation en une confrontation entre les forces du bien et du mal. Et l'argument du « nous sommes les majoritaires et eux sont les ‘'0,'' » revient à chaque fois comme un leitmotiv pour montrer qu'Ennahdha est loin d'être un parti politique démocratique qui croit en le droit des minorités à exister et à être respectées. « La confrontation sociale » fait encore des siennes et le pire est réservé pour demain. Malheur à vous !