Les concertations entre le pouvoir et l'opposition sur l'initiative de sortie de crise formulée par l'Union générale tunisienne de travail (UGTT) se suivent et se ressemblent, sans pour autant aboutir à des accords concrets. L'espoir suscité par des informations relayées jeudi par les médias selon lesquelles Ennahdha a accepté l'initiative de la centrale syndicale a été finalement de courte durée. L'euphorie qui était perceptible auprès de l'opposition durant les quelques heures ayant suivi cette annonce a très vite fait place à un désenchantement général quand cette annonce a été relativisée par le leader du parti au pouvoir, Rached Ghannouchi qui nuance : «Nous avons accepté l'initiative de l'UGTT comme plateforme pour le dialogue national, le gouvernement ne démissionnera pas tant qu'un accord sur sa nature n'aura pas été trouvé à l'issue de ce dialogue». Une nouvelle rencontre tenue vendredi soir entre le leader d'Ennahdha et le secrétaire général de l'UGTT n'a pas abouti à une percée comme en attestent les mines fatiguées et les propos vagues tenus par les deux hommes. «Le dialogue ne cesse de progresser et a franchi une étape où les détails exigent d'être examinés avec soin et précision», a affirmé le président du mouvement Ennahdha, indiquant qu'il engagera des concertations avec les membres de son parti et ses partenaires au pouvoir (le Congrès pour la République et le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés, NDLR) sur les questions débattues aujourd'hui, avant de rencontrer de nouveau les dirigeants de la centrale syndicale qui joue le rôle de médiateur entre le pouvoir et l'opposition. Houcine Abbassi a, quant à lui, déclaré qu'il communiquera les nouvelles propositions d'Ennahdha à l'opposition. « Aucune décision définitive n'a été prise, bien que le dialogue ait atteint une étape avancée », a-t-il dit. Evolution M.M Ghannouchi et Abbassi se sont abstenus de répondre à des questions liées à la dissolution du gouvernement et aux nouvelles propositions avancées par le mouvement Ennahdha et ses deux partenaires au sein du gouvernement. Sur un autre plan, le secrétaire général de l'UGTT a été reçu hier en début de matinée par le président de la République, Moncef Marzouki. Selon le communiqué rendu public samedi par la présidence de la République sur sa page Facebook officielle, Houcine Abbassi a informé Moncef Marzouki des négociations en cours avec toutes les parties proposant chacune son approche de l'issue à la crise politique actuelle dans le pays. «Les négociations se poursuivent et sont en train d'évoluer dans le bon sens», lit-on dans le communiqué, citant les propos de M. Abbassi. « Chacun de son côté va faire son possible pour essayer de trouver une solution pour l'intérêt du pays mais qui soit satisfaisante pour les différentes parties », ajoute le communiqué. Dans une déclaration, M. Abbassi a indiqué que l'UGTT «va continuer les concertations dans l'espoir de trouver une solution qui fasse passer l'intérêt de la Patrie avant tous et qui satisfasse les différentes parties ». L'initiative de sortie de crise lancée par l'UGTT le 30 juillet prévoit notamment la mise en place d'un gouvernement apolitique, le maintien de l'Assemblée nationale constituante (ANC) et la mise en place d'un calendrier strict d'adoption de la Constitution ainsi que des dates pour les prochaines élections. Rejet Vendredi, l'opposition a rejeté le lancement d'un dialogue avec Ennahdha car elle pose toujours comme préalable la démission de l'actuel gouvernement. «Toute négociation sans dissolution du gouvernement serait une perte de temps», avait déclaré le secrétaire général de Nida Tounes (L'Appel de la Tunisie), Taïeb Baccouche, à l'issue d'une recontre avec le secrétaire général de l'UGTT Les nouvelles propositions d'Ennahdha n'ont pas été communiquées à la presse. Selon des sources proches de l'opposition, Rached Ghannouchi aurait accepté la formation d'un gouvernement de technocrates après le 23 octobre prochain, tout en exigeant que ce nouveau cabinet soit dirigé par un membre d'Ennahdha ou, du moins, par une personnalité qui «ne soit pas hostile à Ennahdha». Le leader du parti vainqueur des élections du 23 octobre 2011 aurait également consenti à réviser les nominations de responsables proches de son parti dans l'administration et la «dissolution par voie judiciaire» des ligues de protection de la Révolution. Sur un autre plan, l'opposition entend maintenir la pression sur Ennahdha. Regroupés au sein d'une coalition baptisée le Front de salut national (FSN), plusieurs partis d'opposition ont entamé, hier, une « semaine du départ» pour tenter d'obtenir, par des manifestations pacifiques, le départ du gouvernement et la mise en place d'un cabinet apolitique. Le premier grand rassemblement s'est tenu hier soir face à l'Assemblée nationale constituante (ANC), où campent une soixantaine de députés de l'opposition depuis près d'un mois.