L'organisation américaine de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) a dénoncé, dans un rapport publié hier, la poursuite de la pratique de la torture dans les prisons tunisiennes. L'ONG a notamment appelé les autorités tunisiennes à enquêter sur les accusations de torture de deux personnes placées en détention provisoire en vertu de la loi relative à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d'argent promulguée en 2003. Il s'agit de Mohamed Amine Guesmi, un jeune soupçonné d'être impliqué dans l'assassinat en février du leader de gauche Chokri Belaïd, et de Thameur Nasri, un adolescent de 15 ans accusé d'avoir fourni une aide logistique au groupe armé retranché à Djebel Chaâmbi. Mohamed Amine Guesmi qui aurait, selon des sources judicaires, conduit la motocyclette à bord de laquelle l'assassin de Chokri Belaïd Kamel Ghadhgadhi a pris la fuite, aurait été battu à la prison de Mornaguia «Les gardiens de la prison m'ont permis de rencontrer Mohamed Amine pendant cinq minutes. J'ai voulu lui serrer la main mais il était incapable de bouger son bras gauche. Des contusions étaient aussi visibles au niveau de ses poignets », raconte son frère, Mohamed Ali. L'avocate de Mohamed Amine Guesmi Me Salha Ben Fraj, a également précisé avoir relevé des contusions et des écorchures sur les poignets et le bras droit de son client. « Il m'a indiqué que les gardiens de la prison l'ont battu durant les cinq jours pendant lesquels il a été placé dans une cellule individuelle », ajoute l'avocate, citée dans le rapport de HRW. De son côté, Néji Nasri, le père de Thameur, a précisé que son fils lui a confié qu'il a été frappé et menacé de viol à la prison de Mornaguia. Mécanisme de prévention Me Rafik Ghak , l'avocat de cet adolescent a raconté que son client lui a fait savoir que certains gardiens l'ont frappé avec un tube en acier alors que d'autres l'ont roué de coups de pied. Human Rights Watch souligne également, dans son rapport, que les deux détenus qui affirment avoir été torturés ont déposé des plaintes pour mauvais traitements devant les autorités judiciaires, respectivement le 19 et le 21 août 2013. Selon l'organisation américaine de défense des droits de l'Homme, le parquet tunisien n'a pas, cependant, ordonné d'enquête ni d'examen médical malgré les plaintes déposées par les avocats des deux détenus. «Un examen médico-légal prompt des victimes de torture est essentiel» pour l'enquête sur tout abus, a rappelé l'organisation. HRW appelle désormais les autorités à «mettre en place un mécanisme de prévention national avec le mandat le plus large possible pour pouvoir se rendre sur tous les lieux de détention.» Le gouvernement tunisien a assuré par le passé vouloir éradiquer ces méthodes, d'autant que nombre de militants de ce parti, y compris l'actuel Premier ministre Ali Laârayedh, ont été sauvagement torturés dans les geôles de Ben Ali. «Même si les autorités tunisiennes sont sous pression dans le sillage des assassinats très médiatisés d'hommes politiques et de soldats attribués à la mouvance djihadiste , elles n'ont pas le droit de porter atteinte aux droits des personnes soupçonnées d'implication dans ces actes » a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de Human Rights Watch pour la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord.