Suite à la condamnation des rappeurs tels que Weld El 15 ou d'autres artistes à des peines d'emprisonnement, l'organisation ds droits de l'Homme, Humain Rights Watch a dans un communiqué du 5 septembre dernier, dénoncé ces pratiques « héritées par l'ancien régime » et constituant une atteinte à la liberté d'expression, en appelant les autorités à « arrêter d'inculper les gens pour atteinte aux institutions de l'Etat, même si ce qu'ils disent s'avère blessant. Aussi doivent-elles abolir les textes de loi figurant dans le code pénal qui prévoient des peines de prison pour diffamation ou autres accusations du genre menace aux éthiques générales ou à l'ordre public » Délits de droit commun Sur le plan du droit, tout abus peut constituer un trouble à l'ordre public. Seul le procureur de la République, qui en est le garant est en mesure de décider, selon son intime conviction, que telle ou telle attitude constitue un trouble à l'ordre public. Un artiste peut courir le risque de s'exposer à de sévères condamnations en vertu de ces articles, prévus pour des délits de droit commun. Or ces artistes ont agi dans le cadre du message qu'ils veulent transmettre d'une manière générale et sans s'en prendre à une personne déterminée. Dans leur critique, ils s'adressent aux institutions non à des individus. C'est ce qui peut justifier, selon certains, leur attitude sur la base de la liberté d'expression, et de ne pas les poursuivre sur la base de ces articles de droit pénal, leur attitude ne constituant pas en l'occurrence un délit de droit pénal, et quand bien même elle puisse être à caractère diffamatoire. “Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort, pour que vous ayez le droit de le dire » Cette citation de voltaire exprime bien cette subjectivité avec laquelle, certains conçoivent la liberté d'expression. Celle-ci est toujours permise, tant qu'elle est conforme à l'idée de la majorité. C'est d'ailleurs à partir de là que la démocratie est dénuée de sa substance qui consiste essentiellement à accepter la différence. A juste titre ceux qui se disent démocrates se fondent sur la loi de la majorité pour rejeter voire condamner ceux qui pensent différemment qu'eux. C'est comme cela d'ailleurs, comme l'affirme encore Voltaire, que « l'abus de la démocratie peut mener à l'anarchie ». C'est sur la base de la démocratie que certains régimes, révolutionnaires au départ, justifient une certaine légitimité qu'ils invoquent tout azimut pour justifier les abus qu'ils sont susceptibles de commettre, quitte à mener vers l'anarchie et le chaos. Certains régimes, invoquent l'abus de la liberté d'expression qu'ils récriminent pour atteinte à l'intégrité personnelle et à l'ordre public. Dans notre pays le citoyen a longuement enduré de cette déformation de la notion de démocratie et de la liberté d'expression, et ce, que ce soit durant le régime colonial, qu'à l'avènement de l'indépendance, sous Bourguiba comme sous Ben Ali. « La démocratie dans le parti unique » qui fut le dada de Bourguiba, a été également adapté par Ben Ali, qui fit du parti au pouvoir, celui qui était l'alpha et l'oméga, avec un semblant de multipartisme juste pour la parade. Il en allait de même en ce qui concernait la liberté d'expression, qui était du reste, parmi les principes consacrés par la Constitution de 1959. Cependant les vérités sur les multiples atteintes aux droits humains étaient tues. Celui qui se hasardait à évoquer ce problème, ne serait-ce que par simple insinuation, s'exposait à de multiples exactions allant de l'interdiction d'un journal, d'une revue ou d'un livre, jusqu'à de sévères condamnations à des peines de prison, nonobstant les tortures et les outrances auxquels il pouvait s'exposer. La vérité a fini par éclater au grand jour, pour lancer à Ben Ali et à son régime ce cri, qui est en même temps, un cri de ras-le bol et de défoulement : « Dégage » ! A l'aube de la Révolution tous les espoirs étaient permis, y compris celui de dénoncer sans crainte les injustices et les multiples atteintes à la liberté et aux droits humains. Retour à la case départ ? Au fil du temps et des évènements, il semblerait que certaines libertés sont de plus en plus remises en cause selon la plupart des membres de la composante sociales. L'indépendance de la Justice en a reçu un coup par cette immixtion à tout bout de champ de l'exécutif ce qui risque de nuire à l'image de marque de la magistrature, à son intégrité et à son impartialité. Il en va de même pour la liberté d'expression avec ce qu'endurent en ce moment certains journalistes, pour avoir exprimé des idées jugées « attentatoires à l'ordre public » Un professeur de sciences naturelles disait à certains troublions parmi ses élèves : « On dit que l'homme descend du singe….Mais à vous voir on a l'impression qu'on y remonte ! » Est-ce le cas, en raisonnant par analogie, concernant la liberté d'expression ?