Les rapports entre certains magistrats et l'Union des syndicats des forces de sécurité connaissent des frictions de grande gravité. Ce syndicat n'a pas hésité à prêter à certains magistrats un penchant et des sympathies envers le courant « takfiriste » et que le terrorisme pourrait réapparaitre avec d'autres tactiques et stratégies » et ce lors d'une conférence de presse tenue dernièrement. Mohamed Sahbi Jouini, président de la commission des Affaires juridiques au sein de l'Union, n'a pas manqué de révéler que « deux magistrats avaient été arrêtés dans une voiture 4x4, avec des éléments appartenant au courant « takfiriste ». Il ajoute que l'année dernière 478 personnes du courant « takfiriste » avaient été arrêtées et transmis à la justice. Seuls 117 avaient été écrouées et 361 libérés ». L'Observatoire Tunisien d'Indépendance de la Magistrature (OTIM) dirigé par Ahmed Rahmouni a réagi hier. Il considère que la tenue de la conférence de presse par l'Union des syndicats des forces de sécurité entre dans le cadre d'une campagne orientée, usant du sensationnel, de la provocation, de diffusion de la peur à tous les niveaux et l'exagération. C'est dans ce cadre que s'inscrit la dénonciation de certains militants des Droits de l'Homme, sous prétexte qu'ils soutiennent le terrorisme au nom de la loi, des libertés individuelles et des Droits humains. L'OTIM déplore qu'on ait spécifié que certains magistrats sont impliqués dans le libération de terroristes et d'avoir affirmé qu'un magistrat avait obligé sa fille de porter le Niqab. L'Union des syndicats des forces de sécurité impute ces informations aux services de renseignement. Ahmed Rahmouni, pense que la tenue de trois conférences de presse qui se suivent, par le chef du Gouvernement, le ministre de l'Intérieur et les représentants des syndicats des forces de sécurité, la divulgation de secrets d'affaires en cours d'instruction, est une intrusion dans la spécialité de la magistrature. Cela fait planer un certain doute pouvant ternir l'image de marque et l'intégrité de la magistrature et sa capacité de défendre les libertés publiques et privées. C'est un coup dur à sa position, une atteinte à la dignité de ses membres et une menace pour leur intégrité personnelle et familiale. « C'est une mauvaise tournure sans précédent dans les rapports entre magistrature et institution sécuritaire. L'objectif est d'outre passer les garanties juridiques dans le traitement du terrorisme, pour privilégier les choix sécuritaires, sans tenir compte des exigences de la justice, de la suprématie de la loi et le respect des Droits de l'Homme », écrit Ahmed Rahmouni. Par ailleurs, l'OTIM considère que les accusations adressées aux militants des Droits de l'Homme, aux juges et aux avocats et le suivi de leurs vies privées, dépassent les missions légales des agents de sécurité. L'OTIM s'étonne comment les membres de l'Union des syndicats des forces de sécurité aient reconnu dans leur conférence de presse, qu'ils avaient filé au pas des magistrats et révélé des détails personnels. « Ce qui rappelle les pratiques de « l'Etat policier » de l'ancien régime », s'insurge Ahmed Rahmouni. L'OTIM dénonce les tentatives d'exercer une pression sur les juges d'instruction et de faire douter de la justesse de la libération de quatre présumés coupables dans l'assassinat du martyr Mohamed Brahmi. La libération des détenus fait partie des prérogatives de la magistrature. Elle a un caractère provisoire, qui peut être révisée. Le silence de ministère de l'Intérieur et du ministère de la Justice après les déclarations faites au cours de cette conférence de presse, ouvre la voie aux atteintes des Droits de l'Homme. Ahmed Rahmouni, appelle les instances officielles et les différentes composantes de la société civile à consolider les garanties de l'indépendance de la magistrature et à protéger les magistrats des différentes attaques dont ils peuvent être victimes. La polémique entre les Syndicat des agents de sécurité et l'Observatoire de l'Indépendance de la Magistrature, remet sur la place publique, le débat entre le Droit à l'information et les contraintes à respecter en cas de transmission d'une affaire de terrorisme aux magistrats. L'opinion publique a le droit de comprendre ce qui se passe ou se trame, en cachette. Dans les démocraties bien installées où l'indépendance de la justice n'est pas mise en cause, l'information sur les mouvements de tel ou tel magistrat ne dérange personne. Nous sommes encore en période transitoire, où tout est à apprendre.