Il est désormais quasi-certain que la formation d'un gouvernement de compétences nationales, dont la principale mission sera de préparer le terrain favorable à l'organisation des prochaines élections dans un cadre de transparence, fait consensus auprès des principaux acteurs de la scène politique national. Même le mouvement Ennahdha qui s'est longtemps attaché à la légitimité des urnes semble désormais favorable à la formation d'un cabinet apolitique présidé par une personnalité nationale indépendante. A en croire les fuites sur les accords secrets qui sont en train de se tramer entre les quatre organisations parrainant le dialogue national (UGTT, UTICA, Ordre des avocats, LTDH), la Troïka au pouvoir et l'opposition regroupée au sein du Front de salut national, la formation de ce gouvernement devrait avoir lieu d'ici un mois au plus tard. Le quartet, parrain du dialogue national, a déjà élaboré une nouvelle initiative qu'il se prépare à soumettre dans les heures qui viennent aux deux principaux protagonistes de la crise. Cette initiative qui sera en quelque sorte une synthèse de la première initiative de l'UGTT, des propositions de l'opposition et des contre-propositions de la Troïka devrait, recueillir, l'assentiment des diverses parties. Selon les premières indiscrétions, la nouvelle feuille de route comportera des «délais raisonnables» pour la démission de l'actuel gouvernement. Ennahdha aurait également obtenu, au fil des concertations, que la personnalité qui présidera le futur gouvernement ne lui soit pas hostile. La nouvelle initiative aurait également obtenu le feu vert de la quasi-totalité des partis regroupés au sein du Front de salut National. «Le prochain chef du gouvernement sera une personnalité indépendante, qui ne soit pas connue pour ses positions anti-Ennahdha. Les tentatives de mise à l'écart d'Ennahdha qui reste une composante importante du paysage politique sont une ligne rouge», confie une source bien informée sur les discussions au sein de Nidaâ Tounes. Selon cette même source, le leader de Nidaâ Tounes, Béji Caïd Essebsi, a déjà appelé le Front Populaire à renoncer à ses «revendications jusqu'au-boutistes». Critère Dans ce contexte, les noms des candidats au poste de futur Chef du gouvernement commencent à circuler. L'un des principaux critères de choix d'un candidat consensuel est le fait que cette personnalité indépendante ne soit pas hostile au mouvement Ennahdha. Sur la base de ce critère, deux candidats auraient ainsi les faveurs du parti majoritaire au sein de l'Assemblée nationale constituante. Il s'agit, en premier lieu, d'Ahmed Mestiri, ancien ministre (Intérieur, justice, finances….) et fondateur du Mouvement des Démocrates Socialistes (MDS). Ahmed Mestiri pourrait faire, selon les observateurs, le consensus autour de lui. L'homme est, en effet, connu comme étant un défenseur des valeurs démocratiques et du pluralisme. Il a été d'ailleurs exclu en 1972 du Parti Socialiste Destourien (PSD, ancêtre du RCD) et de l'Assemblée constituante en 1973 pour avoir réclamé des réformes démocratiques. En 1978, Ahmed Mestiri a fondé le MDS. En 1981, son parti participe aux premières élections pluralistes qui se soldent par la victoire écrasante du PSD, avec en toile de fonds des soupçons sérieux de falsification de ce scrutin. En 1989, soit deux ans après l'accession de Ben Ali au pouvoir, l'homme s'est retiré volontairement de la vie politique. Le deuxième candidat qui aurait les faveurs d'Ennahdha est Noureddine Hached, fils du martyr syndicaliste Farhat Hached. Cet ancien gouverneur de Mahdia qui a démissionné de son poste pour avoir refusé qu'on tire sur des manifestants en plein bras de fer entre Bourguiba et l'UGTT en 1978 dispose d'une riche carrière diplomatique. En1981, à l'âge de 37 ans, Noureddine Hached a été nommé ambassadeur de Tunisie en Belgique et auprès de la Communauté économique européenne, avant d'être nommé ambassadeur en Algérie en 1984 puis ministre du Travail le 23 octobre 1985. À partir de 1987, il a représenté l'Organisation de l'unité africaine auprès de l'Office des Nations unies à Genève. En 1993, il a été nommé ambassadeur de Tunisie en Italie. En 1997, il est devenu secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, dont il a dirigé le centre de Tunis, puis, de 2001 à 2006, vice-secrétaire général au Caire. Le 13 novembre 2007, il a été accrédité comme ambassadeur de Tunisie au Japon et en Australie, un poste qu'il a gardé jusqu'au 20 janvier 2011. Noureddine Hached bénéficierait également du soutien de l'UGTT, la puissante centrale syndicale fondée par son père. A noter , par ailleurs, que d'autres candidats soutenus par l'opposition n'ont pas les faveurs d'Ennahdha. Il s'agit, entre autres, de l'ancien ministre de la Défense Abdelkarim Z'bidi, l'ancien gouverneur de la Banque Centrale, Mustapha Kamel Ennabli et de l'ancien président de la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme, Mokhtar Trifi.