L'Académie Goncourt vient d'annoncer sa première sélection de 15 romans en lice pour le prix littéraire tant convoité par les candidats et qui sera décerné cette année, le 4 novembre 2013. Dans cette sélection, on trouve le roman « Le quatrième mur » du Lyonnais Sorj Chalandon. Notons que parmi cette liste, figurent d'autres titres non moins importants, dont «L'invention de nos vies» de Karine Tuil, «Il faut beaucoup aimer les hommes» de Marie Darrieussecq, «Au revoir là-haut» de Pierre Lemaitre ou encore, «L'échange des princesses» de Chantal Thomas. A noter également, un premier roman saisissant, «Palladium», de Boris Razon. Et la présence de quatre romancières sur les quinze auteurs sélectionnés. Rappelons que le Prix Goncourt de 2012 a été attribué à Jérôme Ferrari pour son roman «Le sermon sur la chute de Rome», paru aux éditions Actes Sud. Dans « Le quatrième mur », l'auteur raconte l'histoire impossible d'un metteur en scène candide qui veut monter « Antigone » en pleine guerre du Liban. Mais pourquoi « Antigone », c'est la question à laquelle a répondu l'auteur, lors d'une récente interview, en ces termes : « J'ai cherché une pièce moderne, en un acte, qui ait fait débat. C'est une pièce qui a été autorisée par la censure allemande et qui a été encensée par la Résistance… Parce que chacun voit sa propre vérité dans Antigone. C'est un aspect qui collait parfaitement à la guerre du Liban. » Nous sommes donc en 1982, au Liban. C'est la guerre. Un homme (Sam) a décidé de monter Antigone d'Anouilh avec des acteurs choisis dans chaque camp. Des ennemis réunis sur une scène pour une représentation unique. Il en fait part à son ami Georges, qui l'a suivi volontiers dans son idée, ayant déjà l'expérience de faire le théâtre de rue. Georges a donc décidé que le pays du cèdre serait son théâtre. Il a fait le voyage, contacté les milices, les combattants, toutes les factions belligérantes qui s'affrontaient sur le terrain. Son idée ? Jouer Anouilh sur la ligne de front. Les personnages seront incarnés par des acteurs de sensibilités et de confessions différentes. C'est ainsi que Créon est joué par un Chrétien, Antigone par une Palestinienne et Hémon par un Druze. Les Chiites, les Chaldéens et les Arméniens sont également présents sur la scène. Mais dans quel but le metteur en scène doit-il rassembler tout ce monde ? Serait-ce un moment de répit, de trêve ? « Ce ne serait pas la paix, peut-on lire en quatrième de couverture, juste un instant de grâce. » Histoire de rassembler des frères ennemis et de les arracher, ne serait-ce qu'un moment, au front. Ancien grand reporter lyonnais, Sorj Chalandon a fréquenté le Liban et ses habitants lors de la guerre civile et il a bien noté les horreurs de cette guerre qui, pour des raisons religieuses, a ensanglanté tout un pays et a fait des milliers de victimes. Le roman est écrit avec vigueur, et non sans douleur, les affres de la guerre, notamment celles qui ont détruit et endeuillé tout un peuple pour des raisons idéologiques et confessionnelles. C'est un beau projet que celui de monter une pièce de théâtre, Antigone d'Anouilh, sur les ruines et les décombres de la guerre en rassemblant des acteurs de tous bords : juifs, chrétiens, musulmans, druzes, maronites, chiites…. C'est l'art contre la violence, le théâtre contre la guerre ! Hechmi KHALLADI * « Le quatrième mur » de Sorj Chalandon, août 2013, Editions Grasset.