Webmanagercenter : Un commentaire sur l'issue du scrutin du 7 juin 2009... Walid Joumblatt : Nous avons certes gagné les élections et le Hezbollah et ses alliés ont publiquement reconnu leur défaite, mais l'atmosphère délétère, confessionnelle et haineuse de la campagne électorale me laisse un arrière-goût d'amertume et de défiance. Pour s'étriper, les leaders des communautés sunnites et chiites ont ressorti du placard un arsenal sémantique vieux de 1.400 ans, réveillant de la sorte les vieux démons de la grande discorde, ce qui a obligé leurs partenaires (chrétiens, druzes ) à se positionner avec le même registre agressif. Comment expliquez-vous l'alliance de Walid Joumblatt, adhérent à l'Internationale socialiste avec Saâd Hariri, symbole du capital mondial prédateur ? Je ne suis pas à une contradiction près. Issu d'un milieu bourgeois à caractère fondamentalement féodal, je défends, fidèle à une tradition ancestrale, les intérêts d'une communauté montagnarde, déshéritée, en marge des circuits économiques prospères qui ont fait la fortune des maronites et des sunnites depuis des lustres. Cela dit, mon alliance actuelle avec le chef du courant du futur Saâd Hariri s'explique tout d'abord par la dimension sociale de l'héritage politique de son père, les impératifs géopolitiques à la suite de l'assassinat de Rafik Hariri et l'espoir de voir le fils continuer l'uvre de son géniteur, un grand bâtisseur, soucieux du sort du Liban, toute confessions confondues, des marginaux et des laisser-pour-comptes de la croissance. Vos partenaires de la majorité ont brandi le slogan «Liban d'abord». Qu'en pensez-vous ? Il s'agit d'un slogan stupide, isolationniste, contraire au rôle traditionnel d'un Liban ouvert, réactif, intégré dans son environnement arabe et terre de rencontre entre l'Orient et l'Occident. D'ailleurs, sur le plan économique, l'élan souverainiste étriqué est mal perçu dans les instances financières internationales qui ont toujours prôné l'émergence des pôles de développement régionaux, le maillage entrepreneurial au delà des frontières et la libre circulation des biens et des personnes, loin des replis identitaires et des réflexes protectionnistes. Est-ce que le PSP (parti socialiste progressiste à majorité druze), naguère pilier du mouvement national libanais, demeure encore à gauche de l'échiquier politique ? Le PSP, émanation de la pensée de Kamal Joumblatt, est un parti à l'origine foncièrement laïque, anti-confessionnel, attaché à la cause des opprimés et combattant, de ce fait, les dérives du capitalisme sauvage, compradore, qui a déferlé au Liban depuis des décennies avec la complicité, à l'époque, de l'élite politique maronite, sûre d'elle et dominatrice. Seulement, avec l'invasion israélienne en 1982 et les conséquences de la guerre de la montagne, consécutive au retrait de l'Etat hébreu du Chouf, le paysage politique libanais s'est confessionnalisé à outrance et le PSP est devenu, à son tour, druze, recroquevillé sur les intérêts immédiats de la communauté. Toutefois, je suis déterminé, dans un proche avenir, à restructurer le PSP sur le double plan idéologique et intellectuel, à ressusciter l'héritage culturel du parti, fondé sur la défense du secteur public, la suppression des privilèges relatifs au communautarisme et la lutte contre les inégalités tout en tenant compte du dynamisme millénaire du secteur privé qui a façonné le visage du Liban depuis des lustres.