A l'occasion de la nouvelle année judiciaire, le ministre de la justice, Nadhir Ben Ammou, a donné, lundi après midi 16 septembre, au siège du département, une conférence de presse au cours de laquelle il a notamment défendu le principe d'une étroite collaboration entre le ministère de la justice et le parquet. Il a souligné qu'une telle collaboration ne met pas en cause l'indépendance de la justice et de la magistrature, car, même s'il revient au ministre de la justice d'ordonner l'engagement des poursuites judiciaires contre des suspects présumés, le parquet reste libre de décider, si oui ou non, il doit donner suite aux ordonnances ministérielles, et ouvrir une enquête. Renversement de situation Après avoir signalé que le mouvement dans le corps des magistrats a eu lieu, cette année, et pour la première, sous la supervision totale de l'Instance provisoire indépendante de l'ordre judiciaire, le ministre a paru se plaindre d'un certain renversement de situation, dans le sens de la réduction des prérogatives du ministère, au profit d'un renforcement de celles de l'Instance, au point que des propositions avancées par le ministère, dans le cadre du mouvement des magistrats, pour cette année, ont été refusées. Elles concernent l'avancement de conseillers à la Cour de cassation au titre de présidents de chambre, mesure devant permettre, selon le ministre, de diligenter l'examen des nombreux dossiers soumis à la Cour et qui est entravé, justement, faute de juges qualifiés suffisants. Nadhir Ben Ammou a insisté sur l'attachement du ministère à l'indépendance de la justice et de la magistrature, affirmant que « ce n'est pas nous qui décidons d'emprisonner tel prévenu et de libérer tel autre, car ceci n'entre pas dans nos attributions. ». Il a critiqué « certaines personnes qui se sont érigé en juristes et interprètent les textes à leur guise ». Or, a-t-il ajouté, le parquet représente l'Etat et la société et est chargé de l'application de la politique pénale de l'Etat, de sorte qu'il n'est pas possible de parler de l'indépendance du ministère public dans l'absolu. En principe, le parquet doit être indépendant vis-à-vis du pouvoir judiciaire. Cependant, a-t-il poursuivi, la loi relative à la mise en place de l'Instance provisoire indépendante de l'ordre judiciaire n'a pas été suffisamment étudiée et a été marqué par des motivations plutôt passionnelles et la recherche des équilibres, alors qu'il avait fallu aborder la question d'un point de vue global, car l'indépendance de l'ordre judiciaire s'est faite aux dépens du ministère qui doit être aussi indépendant vis-à-vis de l'Instance , ce qui n'est pas le cas. Le ministre a signalé que c'est l'Instance qui nomme les magistrats et décide leurs avancements. Ces nominations ont même concerné les juges du Centre des études judiciaires, alors que la nomination de ces derniers juges fait partie des prérogatives du ministre. Le ministère a été traité d'après la situation qui prévalait avant la révolution , tandis que nous vivons aujourd'hui une nouvelle situation dont il avait fallu tenir compte, a dit Nadhir Ben Ammou. Codes d'honneur S'agissant des relations du ministère de la justice avec les moyens d'information, Mr Nadhir Ben Ammou a exhorté les journalistes à adopter des codes d'honneur qui réglementent la profession de l'intérieur, sans avoir besoin d'une réglementation extérieure coercitive. Il a indiqué que le ministère a tenu à séparer ses propres services et le travail des tribunaux, en ce qui concerne les rapports avec les journalistes, en laissant aux tribunaux le soin d'informer par eux-mêmes les journalistes de leur propre travail, comme ils l'entendent. Nous avons voulu créer des liens directs entre les tribunaux et les journalistes, a dit le ministre, notant que cette approche a été mal interprétée et nous a valu d'être qualifié du ministre muet et ministre silencieux, et qu'elle est le signe de l'échec et de l'inféodation à d'autres centres de pouvoir. Il a affirmé qu'il n'est inféodé qu'à l'intérêt du pays. Il a ajouté qu'un ministre indépendant ne signifie pas qu'il gère un Etat à lui seul, mais un ministre quel qu'il soit, appartient à une équipe gouvernementale et il y a la solidarité gouvernementale et la coordination entre les divers ministères, a-t-il affirmé, ajoutant que nous avons préféré d'être à l'écart de la lumière des projecteurs et de nous consacrer au travail et à l'action. Or, a-t-il encore dit, s'agissant de la presse et de la liberté de la presse, l'affaire est moins une question de lois qu'une question de déontologie et de codes d'honneur émanant des journalistes eux-mêmes et fixant les règles de conduite à suivre dans le travail journalistique qui exige la possession d'une vaste culture et d'un vaste bagage scientifique. Le ministre a proposé la constitution de nouveaux journalistes spécialisés dans les affaires judiciaires, qui les traitent d'un point de vue de connaisseurs avertis de la loi, et non pas comme on les traitait autrefois en tant que simples faits divers ou « chiens écrasés ». Ces nouveaux journalistes rompront avec les jugements subjectifs portés sur les décisions émises par les tribunaux, car ils ont la culture juridique nécessaire pour connaitre les textes législatifs ayant déterminé la prise de telles décisions. Puis, a dit le ministre, il y a dans la justice, des voies de recours et des oppositions aux décisions émises par les tribunaux. Il y a les cours d'appel et la Cour de cassation. Situation dans les prisons Aussi, avons-nous voulu établir avec l'information une relation basée sur le respect et la confiance réciproque et désirons que l'information assume un rôle éducatif et sensibilisateur, a dit le ministre qui a évoqué, à cet égard, les difficultés d'ordre matériel qui entravent la bonne marche du travail judiciaire, s'agissant des locaux et des équipements de toutes sortes, et qui exigent des crédits importants pour être surmontés. Des programmes sont arrêtés dans ce but. A cet égard, le ministre a préconisé la révision de la gratuité des prestations judiciaires afin de mobiliser davantage de ressources financières propres à aider à surmonter les difficultés d'ordre matériel, comme le relèvement du montant des enregistrements, car, a-t-il dit, cette gratuité semble encourager les gens à intenter des actions en justice, pour un oui et pour un non. Le ministre et le directeur général des services pénitentiaires et de rééducation, Habib Sboui, ,ont parlé de la situation dans les prisons, niant que des personnalités politiques avaient été autorisées à y faire des conférences à caractère politique. Mais, il y a l'éducation religieuse des prisonniers qui est faite par des prédicateurs fonctionnaires du ministère des affaires religieuses, sous le contrôle de la direction des prisons, et elle porte sur l'enseignement des obligations et devoirs religieux, comme la prière, le jeûne, et autres rites et devoirs religieux. Ils ont indiqué que 45 sur les 49 prisonniers évadés de la prison de Gabès ont été arrêtés et remis en prison, et que 4 seulement sont encore en état de fuite, ce qui dément catégoriquement les informations et rumeurs selon lesquelles une quinzaine des dits prisonniers auraient tentés de pénétrer en Algérie et qu'ils auraient été abattus par les garde- frontières algériens. Ils ont insisté sur la nécessité d'œuvrer à l'amélioration des conditions de détention dans les prisons, notant que le milieu carcéral fait partie de la société qui est appelée à favoriser la réinsertion sociale des prisonniers.