Manipulés et instrumentalisés des années durant, les médias et la justice se veulent depuis la révolution, indépendants. Ils essayent, chacun de son côté, de se confirmer dans un contexte marqué par les tiraillements politiques et des tentatives pour mettre la main sur ces deux formes de pouvoir indispensables pour la transition démocratique et l'instauration d'un Etat de droit. D'ailleurs, c'est pour cette raison qu'il ne faut pas que la justice et les médias soient en relation conflictuelle, comme tentent de le faire plusieurs acteurs politiques surtout ceux qui sont contre les principes fondamentaux de liberté de la presse et de l'indépendance de la justice. Après la révolution, les médias et la justice sont condamnés à être en accord et en harmonie et non pas en désaccord ou en querelle continue. Ils doivent en fait, communiquer et coordonner car ils partagent des principes communs pour ne pas dire des intérêts communs. La justice et les médias doivent obligatoirement communiquer car ils font face tous les deux à un ensemble d'obstacles lors de la phase de transition démocratique par laquelle passe la Tunisie. Ils doivent également, communiquer car ils n'ont pas intérêt à être en relation conflictuelle, d'où de grands risques sur le rôle que joue chaque secteur. En effet, « la justice a une fonction naturelle : la protection de la liberté », signale Mohamed Ajmi, universitaire et chercheur à la Faculté des Droits et des Sciences politiques à Sousse, tout en évoquant la tension qui existe actuellement entre les médias et le pouvoir judiciaire. D'ailleurs, le chercheur était clair là-dessus « cette tension est le résultat d'un choix politique stratégique », ajoute-t-il. Et pour preuve, les projets de constitution présentés jusque là ne font pas de la liberté un principe fondamental dans le préambule. Et la réforme de la justice et des médias ? Par ailleurs, le spécialiste en Droit Constitutionnel précise que la réforme de plusieurs institutions est indispensable pour l'accomplissement de la transition démocratique. « Les médias, la justice et le système sécuritaire doivent ainsi faire l'objet d'une réforme profonde pour assurer une transition démocratique », rappelle Mohamed Ajmi. En contrepartie, rien n'a été fait dans ce sens depuis presque trois ans. Même le projet de loi de la Justice transitionnelle ne prend pas en considération cet aspect d'importance majeure. Cela risque de se répercuter sur cette opération primordiale pour l'instauration d'un Etat démocratique, d'autant plus que « le passé se prolonge spontanément dans le futur », comme le prouvent les sociologues. En fait, la relation entre les hommes des médias et les juristes, et par conséquent entre les intervenants dans le domaine a été marquée ces derniers moments par une tension accrue due à l'arrestation et l'interrogation des professionnels de la presse suite à la divulgation de documents d'enquêtes. Chacun défend son statut et son principe de base à savoir respectivement l'indépendance de la corporation et la liberté d'expression. Un état qui a créé malheureusement des tensions alimentées par les politiciens au pouvoir lesquels tirent les ficelles à distance comme à l'époque de l'ancien régime. Ces derniers ne lésinent pas d'ailleurs, sur les moyens pour avoir un droit de regard sur les deux secteurs et manipuler par conséquent deux domaines primordiaux pour la liberté. Conscients du rôle de la justice et de la presse, les hommes au pouvoir se hasardent à limiter les libertés, ce point commun entre les journalistes et les juristes indépendants, lesquels ont choisi de faire de ce principe universel une référence pour instaurer une nouvelle culture en Tunisie basée sur la liberté d'expression et l'indépendance de la justice.