• La Tunisie est le premier pays arabe et le second en Afrique à créer un mécanisme national de prévention de la torture Disposant de deux organisations de lutte contre la torture, une nationale (l'ONTT) et l'autre internationale (l'OMCT) mais qui travaillent en étroite collaboration, la Tunisie aspire à voir de jours meilleurs quant aux traitements infligés aux détenus et aux citoyens. La création, récemment, d'une Instance nationale pour la prévention de la torture par l'Assemblée Nationale Constituante et dont le mandat est d'une durée de 7 ans, a été fortement applaudie par les plus grandes organisations internationales des droits de l'Homme. Human Rights Watch ou encore le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'Homme saluent vivement la création d'une telle instance qui servira à éradiquer la torture dans les centres de détention ainsi que dans les postes de police. Une lueur de démocratie Considérée comme «un jalon significatif dans la transition en cours» par le porte-parole du HCDH. M. Rupert Colville, la promulgation de l'ANC d'une loi relative à la création de cette Commission Nationale ouvre une nouvelle ère quant au processus démocratique qui semble, sur le plan politique, trébucher et tituber. Contre toute attente et dans un climat de tension politique, de crise économique jamais connu en Tunisie et dans une aura pessimiste qui gagne de plus en plus du terrain au sein de la société tunisienne quant à la sauvegarde et la sacralisation des droits humains, créer l'instance de prévention et de lutte contre la torture redonne un peu d'espoir. Un soupçon de lumière dans cette atmosphère lugubre et tendue. Ce nouveau mécanisme de prévention était sujet à une démarche participative en ce qui concerne l'écriture du projet de loi. La participation de la composante de la société civile à l'élaboration et à la sélection des membres de l'Instance en vue de garantir la neutralité, de poser les piliers et d'appliquer les pratiques adéquates est capitale. D'ailleurs, les membres de l'Assemblée vont devoir élire 16 spécialistes, dont deux avocats, deux magistrats retraités, six personnes activistes de la société civile, un expert dans la protection de l'enfant, trois médecins et deux professeurs universitaires. Comment garantir le respect de la dignité humaine ? Pour activer le processus, il est à rappeler que pendant la même séance, les élus ont adopté le décret-loi 105 qui sert à ce que la Tunisie adhère finalement, comme le tout premier pays arabe, rappelons-le, au Protocole facultatif à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Néanmoins, les instances internationales appellent le gouvernement tunisien à activer ce processus afin d'abolir une fois pour toutes les formes de torture et les mauvais traitements en Tunisie. Amnesty International s'est montrée confiante mais a, tout de même annoncé que «la torture en Tunisie est encore loin d'être éradiquée» et que seul «le lancement sans tarder du processus de désignation des membres de l'instance» peut activer les choses. Par ailleurs, durant les débats, les représentants de la société civile ont noté la non prise en compte de plusieurs recommandations faites par les grandes instances internationales en matière des droits de l'Homme qui pourraient même obstruer le travail de l'Instance ce qui peut impliquer le recours à l'article 13. Il n'en demeure pas moins que les instances nationales et internationales ont salué la promulgation de cette loi et œuvrent à ce que le travail commence dans les règles de l'art afin de garantir aux citoyens tunisiens le respect de leurs droits les plus élémentaires, un traitement digne et humain dans les centres de détention ou ailleurs. Pour ce faire, les futurs membres de cette instance auront à effectuer des visites aux différents lieux de détention, d'être en contact direct avec eux, les interroger en privé, vérifier leur situation et leur condition au sein de ces lieux. Les membres de l'instance auront à se documenter sur l'état des prisonniers, s'ils ont été sujets ou pas à des violences corporelles ou aux mauvais traitements. Ils seront amenés à ouvrir des enquêtes administratives en cas de torture notée sur l'un des détenus et à donner suite à des procès pénaux dans ces cas-là. Leur rôle ne s'arrête pas là. Les membres de cette instance ont le droit de lister les mesures qu'il faudra prendre et écrire des recommandations afin de veiller au respect de droits humains universels et d'éradiquer la torture dans les centres d'incarcération. C'est dans ce sens-là que les HRW, l'OMCT, l'OMTT et l' HCDH rappellent aux autorités tunisiennes la nécessité d'une sélection très attentive quant au choix des membres de l'instance. Ces derniers doivent être hautement qualifiés et doivent faire montre d'une neutralité et d'une impartialité totales des enjeux politiques et des trois pouvoirs. En attendant que les membres du MNP soient élus, les violations des droits humains au sein des lieux de détention continuent dans un silence complice mais strident malgré les visites sur terrain des deux organisations nationale et internationale l'OMCT et l'Organisation Tunisienne de lutte contre la torture. Les mauvaises pratiques ont la peau dure et sans l'activation et la mise en place urgente du Mécanisme national de prévention, les derniers états des lieux dressés par les ONG de défense des droits de l'Homme dressent un bilan inquiétant quant aux conditions de détention et aux traitements infligés aux détenus que cela soit dans les centres d'incarcération ou dans les postes de police.