La Foire internationale du livre de Tunis est l'occasion idéale pour vadrouiller de stand en stand, à la découverte des nouvelles parutions, des pépites qu'on découvre par hasard et des œuvres venues de pays lointains et qu'on ne pensait pas feuilleter un jour. La moisson de livres est des plus impressionnantes : publications tunisiennes et œuvres étrangères de littérature côtoient albums consacrés au patrimoine et ouvrages pour enfants. Nous avons choisi quelques ouvrages disponibles sur les différents stands de la foire. Dès lors, au fil des pages, quelques lectures glanées tout au long de la Foire internationale du livre de Tunis. REVUE « Banipal » et la littérature tunisienne La revue « Banipal », fondée en 1998, continue son combat en faveur de la littérature arabe, sous la direction de Samuel Shimon qui compte parmi les invités de la trentième édition de la Foire internationale du livre de Tunis. A l'occasion de la foire, « Banipal » vient de publier un numéro spécial consacré à la Tunisie et présentant de nombreux écrivains parmi lesquels Hassouna Mosbahi, Hassen Ben Othman ou Brahim Darghouthi. En langue anglaise, ce numéro est basé sur des traductions et se présente comme une véritable anthologie. On y trouve les biographies de plusieurs écrivains et de nombreux extraits sur 140 pages. Ce numéro 39 de « Banipal » accorde aussi une large place à la poésie tunisienne contemporaine et à ses principaux auteurs. Le sommaire de ce numéro spécial consacré à la Tunisie est complété par plusieurs évocations des grandes figures de la littérature tunisienne, depuis l'époque d'Aboulkacem Chebbi et de Tahit Essour. Poésie sénégalaise « Les Poubelles de l'espoir » de Faou Yelli Faye : Hommage à l'Afrique Peu connue en Tunisie, la poésie sénégalaise de langue française est l'une des découvertes de cette trentième édition de la Foire internationale du livre de Tunis. Parmi ces œuvres, « les poubelles de l'espoir » de Fatou Yelli Faye interpelle son lecteur par son ton vif est ses paroles audacieuses. Publiée par Panafrika en co-édition avec Silex et Nouvelles du Sud, le recueil de Fatou Yelli Faye est composé de textes courts, vibrants, utilisant à la fois un ton déclamatoire et des bruissements de voix. On sent la poétesse travaillée par son œuvre. Ici, elle provoque et là elle s'indigne. Tour à tour, elle prend la posture du tribu et celle de la vestale, gardienne du temple. Au cour de sa poésie, la présence de l'Afrique qui se relève est des plus éloquentes. Mieux, sa poésie est aussi un vibrant hommage à celles et ceux qui remodèlent notre Afrique grâce à leurs combats. D'ailleurs, Mariama Ndoye, que les lecteurs tunisiens connaissent bien, écrit à propos de ce recueil dont elle signe la préface : « Fatou Yelli Faye mue par une soif inextinguible a trempé ses lèvres dans la source aimantée de Senghor et Césaire ». On ne saurait mieux dire devant ce recueil qui exhorte et milite, qui frémit de sensibilité et de rage, qui porte la voix d'une femme au cœur de la tourmente. Et comme le dit si bien Mariama Ndoye, la poésie de Fatou Yelli Faye « brandit la torche de l'espoir ». tout en laissant sa part à la dérision… Ouvrages collectifs « Noirs au Maghreb : Enjeux identitaires » L'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC) vient de publier avec les Editions Karthala un ouvrage collectif établi sous la direction de Stéphanie Pouessel. Ce livre qui compile les contributions d'une dizaine d'universitaires pose les termes de la « question noire » au Maghreb tout en s'insérant dans un cadre de réflexion plus large. Anthropologue, Stéphanie Pouessel a su diversifier les approches et les éclairages contenus dans ce livre. Au lieu de s'appesantir sur ce qui pourrait ne relever que de l'anecdotique, elle a préféré installer des perspectives sur une réalité vivante. Comme l a mentionné l'éditeur, ce livre cherche à « questionner l'africanité du Maghreb dans ses multiples expressions historiques, anthropologiques, politiques et sociologiques. Ce souci ressort dans la structuration de l'ouvrage en trois grandes sections qui passent en revue ces différents aspects. La première section de ce livre s'intéresse au discours identitaire face aux lettres sociales et politiques. Une réflexion de Ridha Tlili ouvre cette séquence et s'interroge sur les évolutions du panafricanisme. Deux contributions envisagent les cas des noirs de Mauritanie et de Libye. Les deux autres sections du livre traquent stéréotypes et négrophobie tout en se projetant dans la réalité sociologique avec de nombreux exemples à l'appui. Deux remarques pour terminer cette recension. En premier lieu, sur les douze articles de l'ouvrage, sept sont à la Tunisie. Ceci permet de dire que, sans épuiser la question, l'ouvrage privilégie un angle tunisien, sans toutefois le systématiser. En second lieu, Stéphanie Pouessel signe quatre contributions, ce qui souligne sa grande implication dans ce projet qu'elle a dirigé. D'ailleurs à elle seule, l'introduction peut remuer les méninges de chaque lecteur. A noter également l'article de Mohamed Jouili sur les frontières identitaires dans les oasis du sud de la Tunisie et celui de Driss Abassi (passionnant !) sur les représentations de l'Afrique dans les manuels scolaires tunisiens. Enfin, le lecteur tunisien pourra enrichir sa réflexion grâce à deux films cités dans l'ouvrage : un documentaire de Maha Abdelhamid sur la mémoire d'une famille noire et un autre sur la musique des noirs de Nefta. Car, au sortir de cet ouvrage collectif, on est curieux de voir ces deux œuvres et aussi d'approfondir la réflexion grâce aux nombreux références bibliographiques proposées par les auteurs. Comme toutes publications de l'IRMC, « Noirs au Maghreb » est une œuvre à la fois utile et singulièrement documentée. Paru en 2012, cet ouvrage se poursuit différemment pour Stéphanie Pouessel qui coordonne actuellement programme collectif de l'IRMC pour réflexion à un nouveau paradigme des identités culturelles au Maghreb.