Les Tunisiens, c'est notoire, vivent au rythme des événements cycliques qui régulent leur quotidien. Rares sont ceux qui planifient leur mode de vie bien des mois à l'avance. En un mot, pratiquement tous sont adeptes des préceptes « au jour le jour, à chaque jour suffit sa peine, demain il fera jour, etc. » Tablant, il vrai sur l'échelonnement assez espacé des échéances les contraignant à gratter, racler les fins fonds de leurs tiroirs pour faire face aux dépenses faramineuses. Faut-il signaler que, grosso-modo, les plus grandes occasions où les finances sont mises à rude contribution sont classiquement connues : l'été avec les invités qui débarquent à tout bout de champ (même si vous habitez loin de la côte ou de la montagne, en plein centre et dans un vétuste deux pièces !). Lessivés par ce cortège interminable de parents et amis, vous vous retrouvez en piteux état à affronter la rentrée scolaire, avec quatre gosses en moyenne, réclamant abonnements dans le train, le métro et éventuellement une ou deux lignes de bus. Les fournitures scolaires en dépit des remises affichées sont inabordables ; et pour corser le tout le hallali des heures supplémentaires réclamées par les gosses car les instits vont constituer les groupes et clore définitivement les listes.
Le Ramadan Après un répit salvateur et régénérateur, c'est au tour du mois saint (le Ramadan) de faire irruption avec des prix montant en flèche. Sa première moitié est généralement consacrée aux plaisirs de la table, mais à partir du 15 du mois, les tracas pour les vêtements, habits, gâteaux traditionnels et jouets à l'approche de l'Aïd corsent une situation déjà fort précaire. Juste deux petits mois et dix jours après, voilà l'Aïd El Kebir avec une nouvelle spoliation à l'occasion de l'octroi du seigneurial mouton qui doit supplanter ceux des voisins volet poids, corpulence, laine et prix. Fin juin, avec la proclamation des résultats des examens, votre femme vous dresse une interminable liste des neveux, nièces, enfants des parents et amis, des voisins même éloignés, ayant réussi aux 4ème, 6ème, 9ème , Bac, Licence, doctorat voire permis de conduire qu'elle doit féliciter avec l'inévitable cadeau au passage. Sans oublier les félicitations qu'elle doit présenter à celles qui ont célébré leurs mariages, fiançailles. Pour conclure, les circoncisions s'ajoutent inéluctablement au cortège des félicitations. Pour cette année, la donne a énormément changé et la situation a viré au dramatique. En effet, juste à la sortie d'un été fort harassant, une rentrée scolaire peu habituelle, car « accompagnant » d'emblée le mois saint. La STEG ne voulant pas être en reste, a tenu à participer au festin en adressant à ses abonnés ses factures tétanisantes. Avec le loyer et les traites mensuelles de la voiture et du mobilier rénové, il n'est guère difficile d'imaginer dans quel pétrin se débattent les pères de famille pour faire face à tant d'exigences dépassant de loin leur capacité à les honorer, à en venir à bout. D'où le recours obligé aux endettements avec comme créneaux : avance sur salaire, prêt bancaire, mise au clou des quelques bijoux de la femme, achat à crédit des victuailles...voire vente de certains articles ménagers à des prix dérisoires avec la vague promesse faite aux enfants de les remplacer dans un avenir proche ; promesse fort hasardeuse car difficilement réalisable dans l'état actuel des choses.