Les Syriens étaient appelés hier à se rendre aux urnes pour une élection présidentielle qui promet une écrasante victoire de Bachar al Assad dans un pays en pleine guerre civile. En Syrie comme à l'étranger, les opposants du chef de l'Etat parlent d'une mascarade et jugent qu'aucun scrutin digne de ce nom ne peut avoir lieu dans un pays dont des régions entières échappent aux autorités et qui compte des millions de déplacés. La télévision publique a diffusé des images de files d'attente devant les bureaux de vote dans les zones contrôlées par le régime. On y a vu des groupes agitant le drapeau syrien et brandissant des portraits de Bachar al Assad. Visiblement détendu en costume bleu marine et cravate bleu clair, le président sortant a voté dans un bureau du centre de la capitale, en compagnie de son épouse Asma. Les insurgés islamistes qui cherchent à renverser le président de 48 ans qui brigue un troisième septennat, refusent un scrutin qu'ils considèrent comme «illégitime». Le Front islamique, une alliance de groupe rebelles, s'est engagé cependant à ne pas viser les bureaux de vole «parce que nous avons décidé de ne pas impliquer les civils dans ce conflit». Le Front a appelé les autres groupes rebelles à faire de même. Des obus de mortiers, tirés a priori des banlieues rebelles, se sont toutefois abattus hier sur les quartiers résidentiels de Damas, sans apparemment faire de victime, ont raconté des habitants de la capitale. Bachar al Assad affronte deux concurrents - c'est une première - Hassan al Nouri, ancien membre du gouvernement, et le parlementaire Maher Hajjar. Mais les deux sont peu connus. Depuis un demi-siècle, un seul candidat était autorisé à se présenter et les sept derniers scrutins présidentiels se sont résumés à des plébiscites de Bachar al Assad ou de son père Hafez, qui n'a jamais obtenu moins de 99% des voix. Son fils a quant à lui recueilli 97,6% il y a sept ans. Mais beaucoup de Syriens sont en quête de stabilité, après les 160.000 morts tombés dans les affrontements entre partisans et adversaire d'Assad. Pour les minorités alaouite - la branche de l'islam chiite à laquelle appartient le président -, chrétienne et druze, le chef de l'Etat représente un rempart contre le radicalisme sunnite d'une partie des insurgés et la promesse, même lointaine, d'une certaine stabilité. Au poste frontière de Masnaa, entre le Liban et la Syrie, plusieurs milliers de personnes faisaient la queue sous le soleil à un bureau de vote organisé pour les Syriens en territoire libanais. Tous ceux interrogés par Reuters ont dit vouloir voter Assad. Certains habitants de Damas ont dit qu'il y avait peu d'électeurs dans les bureaux de vote du centre de la capitale, mais un militant de l'opposition qui a contacté des gens à Damas et dans la province druze de Soueïda a parlé d'un nombre «effrayant» de votants. Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al Moualem, drapé du drapeau syrien pour voter, a rejeté les critiques étrangères. «Personne ne pourra imposer sa volonté au peuple syrien», a-t-il dit. «Aujourd'hui, s'ouvre le chemin d'une solution politique.» Les autorités promettent une participation élevée, qui sera, disent-elles, aussi significative que le résultat lui-même. Pour Omran Zoabi, ministre de l'Information, il s'agit d'un «message politique». Plusieurs dizaines de milliers d'expatriés ont déjà voté la semaine dernière, mais il ne s'agit que d'une petite proportion des trois millions de réfugiés et de Syriens de l'étranger. Les forces gouvernementales, appuyées par l'Iran et le Hezbollah libanais, tiennent fermement le centre du pays, mais le Nord et l'Est sont aux mains des insurgés et des djihadistes.