Il est connu surtout à travers son œuvre Al Ithaf, un recueil en plusieurs volumes sur la petite histoire de la Tunisie pendant les Beys. Ibn Abi Dhiaf ou Ibn Abi Al Adhiaf, né à Tunis en 1804 et issu d'une famille originaire de Siliana, fait partie du courant réformiste du 19ème siècle, ayant été pendant longtemps le ministre de la plume sous cinq Beys depuis Husseïn Bey en 1827, jusqu'à Sadok en 1874, peu avant sa mort. Il était digne de cette fonction dans laquelle il mit à profit sa formation zeïtounienne tant dans la langue de Jahidh qu'il maniait à la perfection que dans la législation islamique. Son père fut également le secrétaire particulier du ministre Youssef Saheb Ettabaâ. Mais il ne restera aussi longtemps que lui d'autant plus que ce ministre avait péri dans des conditions atroces, lynché par ses assassins qui lui avaient longtemps cherché noise en pleine place du quartier de Halfaouine à la médina. Ahmed Ibn Abi Dhiaf quant à lui, il put connaître le côté jardin du palais et accompagner les Beys dans des voyages privés et officiels, dont notamment celui de Ahmed Bey 1er en France. Il analysa leur comportement et leur psychologie, et put se rendre compte de leur façon de diriger le pays qui était à l'époque sous domination turque. Aucun des Beys n'a été jamais soucieux de l'intérêt général du pays. Les gens vivaient dans la misère et ils étaient en outre spoliés de leurs droits. Dans son ouvrage AL Ithaf ( Ithafou Ahl Azaman, Fi Akhbar Moulouk Tunis Wa Ahd Al Aman) Il a décrit les intrigues , les rivalités entre personnages proches de la cour du Bey, voire entre les Beys eux-mêmes, la corruption de certains de leurs ministres, à l'instar de Mustapha Khaznadar qui avait, avec la complicité du trésorier de l'époque, un certain Nessim Chemama, emporté la caisse de l'Etat avant de fuir avec lui à l'étranger. Le goût du lucre et du faste qu'avaient la plupart ces Beys l'avait emporté sur l'intérêt général. Et Ibn Abi Dhiaf ne manqua pas de le mentionner dans son ouvrage en l'étayant par des exemples vivants tirés du comportement de certains Beys. Ces idées progressistes lui avaient joué à un moment donné, un mauvais tour puisqu'il avait été remplacé en 1858 par Mohamed Laâziz Bouâttour, qui était moins stricte. Il réintégra la cour beylicale à l'avènement de Ahmed Bey 1er qui le nomma secrétaire particulier, fonction qu'il continua à occuper sous Sadok Bey et jusqu'à la retraite. Il gagna la confiance d'Ahmed Bey 1er et fut le gardien de ses secrets. Il avait décrit non sans facétie le comportement de ce Bey lors de sa visite au palais de Versailles, lors du voyage en France, auquel il l'avait accompagné. Il avait surtout relaté cette anecdote, alors que l'ambassadeur français les accompagnait pendant cette visite. Emerveillé par l'architecture et les beaux décors dans ce palais, Ahmed Bey ne cessait de s'exclamer : A...ba ..bab ! L'ambassadeur demanda alors à Ahmed Ibn Abi Dhiaf ce que le bey voulait dire et il lui répondit qu'il était émerveillé par la beauté artistique du décor ainsi que des tableaux qu'il y avait au palais de Versailles. L'ambassadeur rétorqua avec un zeste d'ironie : « Le Bey a pu exprimer la beauté du décor en une seule expression :Ah ..ba Bab ! En 1860, Ahmed Ibn Abi Dhiaf fut nommé au Grand Conseil sorte de Sénat, créé à l'époque en vertu du pacte fondamental. Il rédigea le texte décrétant l'abolition de l'esclavage sous Ahmed Bey ainsi que la version en arabe du pacte fondamental en 1857. Il collabora avec le ministre Khéreddine qui le chargea de la rédaction sous son contrôle de la première Constitution tunisienne de 1861. Cette Constitution ne reçut pas l'approbation de certains Cheikhs zeïtouniens obscurantistes de l'époque. Outre son ouvrage Al Ithaf, Ahmed Ibn Abi Dhiaf a rédigé un mémoire sur la condition féminine et son rôle social en Tunisie, un manuscrit de 30 pages qu'il rédigea en réponse aux questions sur la femme posées par le consul de l'époque Léon Roches. C'est une sorte d'exposé dans lequel il évoque les droits de la femme tunisienne et musulmane selon la chariâa. Bien qu'il apparaisse plutôt comme conservateur sur la question, Ahmed Ben Dhiaf ne dénie pas les droits conférés à la femme par la législation islamique. L'œuvre Al Ithaf à laquelle il aurait consacré dix ans de sa vie, et dans laquelle il déplore surtout le pouvoir absolu, dénote d'un esprit libre. Décédé en 1874, son nom restera gravé parmi ceux qui marqué le courant progressiste du 19ème siècle en Tunisie.