Quand certaines structures de l'Etat ne remplissent pas leur rôle et que la situation empire, l'initiative citoyenne et celle de la société civile internationale deviennent une bouée de sauvetage. La situation environnementale en Tunisie est telle que l'intervention étrangère est devenue une aubaine ! Alors que la saison estivale bat son plein, nos villes, nos espaces verts et nos Médinas demeurent sales, nauséabondes et répugnantes. L'inactivité des autorités de tutelle et la nonchalance d'une grande partie des Tunisiens ont fait de la Tunisie, une terre d'ordures et de saletés à ciel ouvert. Une constatation malheureuse et piteuse pour un pays qui cherche à s'améliorer. En l'absence d'une réelle volonté, nous nous laissons engloutir par les ordures. Face à cet affligeant constat, certaines initiatives, même minimes, sont à saluer. Elles montrent l'exemple et bousculent la léthargie les responsables gouvernementaux et le citoyen. Elles toucheraient même la dignité du Tunisien afin qu'il sorte de sa somnolence ! La dernière action en date a été menée, hier, mercredi 16 juillet 2014 à Sousse. Une campagne de nettoyage est menée en coopération entre le ministère du Tourisme et l'agence de voyages Thomas Cook, leader mondial dans le secteur du tourisme. Les principaux protagonistes ne sont autres que des touristes. Eh oui ! Aujourd'hui, en l'absence d'éco-citoyen responsable et conscient et avec ces grèves à répétition des agents municipaux, la Tunisie attend que des vacanciers étrangers nettoient ses rues, ses villes et ses espaces «touristiques». Ces derniers ont délaissé de côté leurs vacances, la mer et le soleil pour s'adonner à une activité citoyenne dans un pays qui n'est pas le leur. Un pays où les habitants et les autorités de tutelle sont démissionnaires... Si les Tunisiens qui se disent écolos ont salué cette action, ils ont été outrés que l'initiative soit menée par des étrangers, qui plus est, des touristes, qui sont censés être là pour passer leurs vacances mais qui se trouvent obligés de nettoyer les lieux. Vexés dans leur amour-propre, leurs ré »actions ne se sont pas fait attendre. Une colère contenue contre l'Etat et le comportement irresponsable de leurs compatriotes a abondé sur les réseaux sociaux, après que l'information eut circulée et que les photos de la campagne de nettoyage fussent publiées. Le Temps a recueilli les réactions de plusieurs citoyens. Leurs témoignages font montre d'une colère grandissante contre les autorités de tutelle et contre l'indifférence coupable des Tunisiens. Bessem Bembli (Artiste) «Je ne dirai pas que c'est honteux. Ce n'est plus un secret pour personne. D ‘ailleurs, tout ce qui se passe autour de nous fait honte. Le Tunisien s'enfonce de jour en jour depuis 2011. Toutes les maladies sociales ont ressurgi y compris ce comportement d'indifférence, de passivité et de lassitude, même pour se débarrasser des déchets. Il faut en urgence rééduquer les gens, mettre l'accent sur la culture. Une révolution passe par les esprits, les cerveaux avant de passer par les actes. Ce qui se passe depuis de longs mois est un exemple tangible. Pis encore, ces lois et ces circulaires restent lettres mortes comme toutes les initiatives positives que les gouvernements prennent l'un après l'autre sans les appliquer». Alia .A (bachelière et activiste dans une association environnementale) «J'ai lu que cette initiative est une action mondiale qui s'intitule "make holidays greener" qui vise à promouvoir le respect et la protection de l'environnement dans le monde. Même si cette initiative est admirable, j'ai honte de constater à quel point nous avons besoin de cela, à quel point nos municipalités sont incapables de veiller à la propreté de notre Tunisie et à accomplir leur devoir envers les Tunisiens, mais également envers les touristes qui nous visitent chaque année. Je constate encore et toujours, que nous avons besoin d'une aide internationale afin que notre pays fonctionne correctement et que nous sommes très loin d'être autonomes. La révolution aurait dû nous permettre de corriger cela surtout lorsqu'il s'agit d'une question aussi élémentaire que la propreté. Tant que nous ne règlerons pas ces questions essentielles dont la santé de tous dépend, nous n'émergerons pas du sous-développement». Raya.B.G (Artiste) «Je trouve que c'est ambigu comme action. Certes, elle montre la bonne volonté des acteurs du tourisme et de la société civile. Néanmoins, elle pointe du doigt les manquements de l'Etat dans la gestion de la voierie...Personnellement, j'ai préféré voir le bon côté, car il incite les citoyens à se prendre en main et à se responsabiliser... Le ministère du tourisme fait de son mieux pour redresser la barre mais quand c'est sans compter sur le suivi des ministères de l'Equipement, des services des voiries de chaque ville et sans l'implication des habitants, cela relèvera toujours de l'anecdotique. Il est grand temps que nous soyons tous conscients de ce fléau qui gangrène la vie au quotidien et qui ternit l'image de la Tunisie. Les Tunisiens doivent être esponsabilisés et commencer à faire attention à leurs déchets. En attendant que l'Etat reprenne sa fonction. La saleté s'accumule partout. Dans mon quartier, on a été obligé de se prendre en main avec les voisins et à payer les employés de la mairie pour qu'ils viennent régulièrement ramasser les ordures et Dieu seul sait où ils les déchargent ensuite...Il n'y a qu'à aller se balader dans le parc Ennahli et aux alentours pour voir les montagnes de déchets qui s'accumulent...incompréhensible ! C'est à se demander comment on faisait avant ?» Camilia Mathlouthi (Présidente de l'association Pour une Tunisie Propre et Verte) «D'abord, cette campagne de propreté chatouille la dignité du Tunisien ! Ce scénario est pour accuser les Tunisiens et les dénigrer. Certes, ils sont irresponsables depuis 3ans, mais la grande faute incombe à la justice qui ne pénalise pas les pollueurs. Cela incombe aussi à l'Etat qui gaspille les dons des projets environnementaux sans fournir la vraie logistique et l'infrastructure adéquate qui commence par une poubelle chaque dix mètres ! Est-ce sorcier ? Est-ce trop demander ! Je vous le confie : les campagnes de propreté sont devenues ridicules, elles sont sans lendemain !! Tous les pays développés donnent une leçon de propreté et de civilité grâce à la pénalisation qu'impose l'Etat et qui impose à son tour une vraie discipline dans le comportement des citoyens !»