C'est l'été. La canicule envahit lepays. Sous ce soleil de plomb, les tonnes de remblais, de sacs en plastiques et d'ordures chimiques et domestiques ornementent notre pays ! Les dégâts se font déjà ressentir. Les odeurs répugnantes s'invitent aux maisons. Quant aux secteurs touristiques et économiques, ils en reçoivent l'impact nocif de plein fouet. Alors que les autorités de tutelle roupillent encore et profitent de leur sieste, les Verts et écolos tunisiens, enragés, font beaucoup de tabac pour faire sortir citoyens et responsables de leur torpeur. Rendez-vous aujourd'hui à la plage de la Goulette. Elle s'appelle Kamilia Mathlouthi. Elle était professeur d'allemand. Depuis quelques années, offusquée et tracassée par la saleté et l'insalubrité de nos villes, elle a laissé l'enseignementde côté et seule, elle s'est lancée dans la lutte contre la pollution et la protection de l'environnement. Après moultes efforts individuels qui étaient vains par rapport à la gravité de la situation, elle a décidé de fonder son association «Pour une Tunisie Propre et Verte». Voilà maintenant 4 années qu'elle lutte seule. Entre temps, l'inconscience citoyenne et le laxisme des autorités se sont multipliés, faisant de la Tunisie une grande poubelle à ciel ouvert. Voyant que les choses allaient en empirant, elle a dû forcer les portes des ministères de tutelle, taper fort sur la porte, au risque de choquer, crier haut et fort. Parfois, le manque d'entrain des jeunes et des moins jeunes, l'indifférence des responsables, la décourageaient. Mais, elle n'a, cependant, jamais baissé les bras : «Il y eut des moments où j'ai été réellement désespérée et fort abattue. Je me voyais en train de parler, râler et convaincre les gens pour qu'ils bougent un peu ! Ces derniers se contentaient d'approuver mes dires et de ne rien faire pour que les choses changent. J'avais l'impression que je parlais dans le vide. A chaque fois, il fallait que je renaisse de mes cendres. Je me dis : peu importe leur implication dérisoire, je me battrai corps et âme pour que notre pays soit propre, beau et digne de son nom : Tunisie la verte. Parce que là, on ne voit plus que les remblais et les ordures entassés partout !» Dans cette course où elle a souvent l'impression de faire cavalier seul, elle a croisé quelques oreilles attentives du côtégouvernemental et certains citoyens férus d'environnement et qui partagent avec elle sa cause. Toutefois, comme les choses allaient en s'aggravant et que les tiraillements politiques prédominaient les préoccupations des grands décideurs, parler écologie et environnement dans ce contexte, s'avérait pour certains, être anachronique alors un luxe ! Pendant ce temps, les saletés s'amoncèlent, les odeurs nauséabondes étouffent, l'esthétique de nos villes et de nos espaces verts agonise face à un silence gouvernemental hallucinant. Lutte acharnée de la société civile Comme c'est le cas dans tous les secteurs, l'initiative de la société civile vient combler ou l'impuissance ou le laxisme. Dans le secteur environnemental, les conférences et les séminaires internationaux se comptent par centaines depuis 3 ans. On ne cesse de parler et de présenter des projets-pilotes, des partenariats public-privé, tunisiens et étrangers. Beaucoup d'argent gaspillé dans les pauses-cafés et les déjeuners. Le résultat n'est toujours pas garanti. Tous ces beaux discours, ces exposés et longs pamphlets demeurent de l'encre sur du papier. On dénonce, on propose des solutions, on se prend en photo, on se serre la main, au revoir et merci. Rien ou presque ne se concrétise. Tout demeure dans la théorie. L'été arrive. Les saletés, les moustiques et les odeurs répugnantes avec. Alors que ça roupille du côté de quelques municipalités, qui n'ont cessé de nous évoquer depuis 3 ans les mêmes arguments, du côté de la société civile, ça bosse commedes fourmilières ou des ruches d'abeilles. Depuis l'approche de l'été et de la canicule, les associations écologiques organisent des manifestations et des campagnes de nettoyage des plages, des villes, du milieu rural et des espaces verts. Les médias s'y mettent aussi, la dernière en date, celle qui a été lancée par la radio nationale RTCI : «Les éboueurs de la Méditerranée». Des initiatives spontanées qui tentent par tous les moyens de nettoyer le pays, de l'embellir et de réveiller la conscience citoyenne et gouvernementale. Quant à l'association « Pour une Tunisie Propre et Verte », continuant dans cette même lancée, la présidente a lancé une campagne tout à fait originale. Celle-ci a lieu ce matin à la grande plage populaire de la Goulette. Une plage hautement sollicitée par les Tunisiens et les Tunisiennes chaque été. Quand on dit plage très fréquentée, on dit forcément et malheureusement plage sale. La réalité est bien navrante. «Je serai la poubelle pour aller danser» Toujours dans le trash et ne voulant pas faire comme les autres, la présidente de l'association préfère choquer pour attirer l'intérêt et impliquer les citoyens. «Le Tunisien est un bon vivant. Il adore la vie mais il lui manque cette éducation de l'environnement. Dans nos écoles, on oublie de former les enfants à être de futurs éco-citoyens. Voilà la grande tare. Sinon, il n'y a pas d'explication à cette négligence et à ce manque d'engagement pour avoir une ville et un village propre. Aujourd'hui, la propreté des rues est une priorité. Non seulement cela salit notre image mais en plus, notre santé est en jeu !» Dans cette démarche, la manifestation se veut une action éco-culturelle à laquelle l'association a convié citoyens, habitants de la Goulette, commerçants, municipalité et amoureux des lieux pour se rassembler tous ensemble au bord de la plage et nettoyer les lieux dans une ambiance conviviale et bon enfant. Les membres de l'association sont déguisés en poubelles dansantes afin de créer une ambiance amusante et attrayante. «Le but principal est de changer le comportement des citoyens au quotidien par le biais d'actions éco-culturelles avec une touche artistique pour attirer le plus de monde. D'un autre côté, le nettoyage est là pour ancrer cette bonne habitude dans une banlieue riche en Histoire. On ne veut plus qu'elle reste riche en ordures ! Nous désirons faire un grand tapage qui réunisse propreté, patriotisme, art et engagement citoyen. Il est primordial, également, d'exhorter les hauts responsables, voire de réclamer le droit d'avoir des bennes à ordure partout, d'introduire le tri sélectif. C'est un droit et non un service ! Le droit à un environnement sain a été constitutionnalisé. Il est temps de se mettre au travail !», protesta la présidente de l'association. Cette nouvelle approche essaye d'expliquer aux participants que là, une rue reflète le comportement d'un peuple. Ou il est civilisé ou il ne l'est pas. Dans ce sens, l'association trouve que le citoyen doit se sentir responsable. «Les manifestation de janvier 2001 l'ont prouvé ! Pourquoi pas maintenant ? Pourquoi ne pas crier : certes, la politique nous a séparés, laissons la propreté et la beauté de notre pays nous réunir ! Parce que les rues, c'est aussi nous !» La rage des verts, leur colère et leur frustration défilent et se défoulent en ce dimanche sous le soleil de la plage de la Goulette. «Ce sera un avantage économique pour les propriétaires d'entreprises à proximité de la plage! C'est l'aspect le plus important! Les restaurants, les cafés et les boutiques auront, désormais, un endroit propre et digne. C'est l'avantage économique et touristique que l'association PTPV veut également imposer. Ce genre d'actions fournit la stimulation économique et touristique.», rappela Mme Kamilia Mathlouthi Espérons que lespassants et les participants gardent ces gestes et réflexes dans leur quotidien. Dans l'espoir aussi, que l'Etat bouge réellement et fasse le nécessaire pour munir, nos plages, nos gares de métro et de train, nos rues et nos parcs de poubelles et fournir à tous les quartiers des bennes. Est-ce devenu un luxe que d'en avoir une? Le droit à un environnement sain et propre, évoqué dans la nouvelle Constitution doit être appliqué et non pas rester de l'encre sur papier...