Sidi Bou-Saïd. L'un des meilleurs ports de plaisance de la rive de la Méditerranée. Ils viennent y accoster de tous les horizons (de toutes les mers) et ce golfe trône encore, au centre de l'histoire trois fois millénaire de la Tunisie, comme carrefour des échanges et comme par une évidence géométrique. La Tunisie c'est, d'abord, la mer, malgré une côte relativement courte par rapport à celle de nos voisins, mais la faune maritime est d'une diversité et d'une richesse que le commandant Cousteau a nommée : « L'aquarium de la Méditerranée ». Ces côtes ont inspiré la rêverie des marins ; la convoitise des corsaires et, même, le génie des charpentiers ébénistes qui fabriquaient des bateaux rustiques, comme taillés dans un rocher ancestral... Un bateau parmi tant d'autres avait sa spécificité. Antoine Charpentier ébéniste d'origine espagnole, y avait mis de l'harmonie punique, un zeste de baroque grec, et les formes chatoyantes espagnoles. Ce bateau était une attraction pour les visiteurs. Et son propriétaire y vivait ses grands moments d'évasion... Mais il y a quelques jours, à quelques encablures de l'entrée au port, le bateau du docteur Abdelkefi, est pris dans les mailles de ces filets flottants que des pêcheurs jettent illicitement et sans souci, abstraction faite de la distance requise autour d'un port. Il suffit que la mer soit agitée, ou que la visibilité fasse défaut et c'est le drame. Inutile de vous dire que le bateau qui, plus est, était patrimoine, est maintenant une épave. « Je ne pleurerai pas dans les chaumières, nous déclare le docteur Abdelkefi, propriétaire du bateau. Mais, l'ennui c'est que les marins n'utilisent pas de signaux illuminés, pas de drapeaux et pas de pavillons. D'ailleurs, au lendemain de l'accident, un marin jetait calmement ses filets à quelques mètres de mon voilier échoué, et quand il m'a aperçu, il a vite remonté ses filets et a pris la poudre d'escampette ! Je pose, alors, ces trois questions aux autorités : 1/ Les filets flottants sont-ils tolérés autour des ports ? 2/ Faut-il un signal ? 3/ Quelle est la distance prohibée, ou si vous voulez tolérée... » ? Et il poursuit : « Chaque année, il y a presque vingt bateaux qui sont pris dans ces filets. Au moins deux ne s'en sortent pas et sont démolis. Et le danger que courent les vies humaines, y a-t-on pensé ?... Dans mon cas, seule la Direction Régionale Maritime de la Goulette a essayé de m'aider. Quant aux autres intervenants... Je dis cela pour que ces accidents ne surviennent plus ». Le droit maritime interne est clair : autour des ports, pas de filets flottants. Mais qui est compétent pour intervenir ? La Garde nationale verbalise, mais la Direction de la Pêche au sein du ministère de l'Agriculture, ne rappelle pas assez qu'en cette période, les espèces doivent être protégées et que le repos biologique doit être décrété. Le ministère du Tourisme, qui comptabilise allègrement les plaisanciers venant accoster dans nos ports, ne collabore pas assez avec les autres intervenants pour promouvoir ce produit. ... Entre-temps, la faune maritime s'appauvrit parce que des marins raflent tout... jetant les filets dont les mailles sont encore plus tranchantes que les dents de la mer. Raouf KHALSI
PS : Nous publierons, sous peu, un dossier exhaustif traitant de la question sous tous ses angles.