Il ne manquait plus que lui: le ministère tunisien de la Santé vient de prévenir les Tunisiens contre les ravages d'Ebola, virus contagieux et mortel responsable, dans certains pays de l'Afrique occidentale, de la mort de près de neuf cents personnes sur les mille six cents qui en sont atteintes. Cependant et pour rassurer les citoyens, nos hautes autorités sanitaires parlent de mettre en place une stratégie nationale pour traiter ce mal et prévenir sa propagation. On prévoit également, pour les mêmes objectifs, de coopérer avec les pays voisins menacés eux-mêmes par le fléau. A notre modeste connaissance du virus Ebola, il n'existe encore aucun vaccin susceptible d'en prémunir les populations. De plus, les pays où il est vraiment possible de soigner la nouvelle maladie sont extrêmement rares et sont même au stade des recherches pour endiguer celle-ci. En d'autres termes, la Tunisie comme ses voisins du Maghreb et la plupart des pays arabes et africains n'est pas encore dotée des moyens de lutte adéquats pour soigner une telle maladie ni d'en freiner l'avancée. Nous avons vu à la télévision l'extrême précaution avec laquelle un médecin américain atteint du virus a été rapatrié aux Etats-Unis pour y être soigné. Manifestement, la seule prévention contre la contamination par Ebola exige une impressionnante logistique appropriée ; que dire des soins à apporter aux malades qui, hélas, sont très rudimentaires dans les pays pauvres. Le terrorisme en face La guerre contre Ebola a donc « officiellement » commencé sous nos cieux ; cependant et pour notre malheur, elle coïncide avec une autre guerre meurtrière, celle menée depuis un certain temps déjà contre le terrorisme jihadiste. Où en est-on justement dans notre lutte vitale contre les groupes extrémistes armés ? Le bilan penche jusqu'à présent pour un « match nul » entre l'Etat et ses ennemis ! C'est du « coup pour coup » presque orchestré d'avance par les deux parties belligérantes. Ces derniers jours, le terrorisme semble même marquer plus de points que ses détracteurs. D'après ce qui se passe actuellement en Libye et dans plusieurs pays arabes du Proche et Moyen-Orient, les groupes et milices armés se réclamant du jihadisme islamiste réalisent des avancées effrayantes : En Irak, Daech a déjà instauré son Etat Islamique qui cherche apparemment avec succès à élargir ses frontières aux dépens de la Syrie, du Liban et même de l'Arabie Saoudite. Le royaume hachémite de Jordanie n'est pas non plus à l'abri des visées expansionnistes nourries par ce nouvel état dans l'Etat. A Benghazi, un émirat vient de voir le jour sous la direction des milices salafistes; et le risque existe que d'autres principautés de la même obédience naissent à Tripoli ou ailleurs. Au Yémen, Al Qaïda frappe toujours ; en Egypte, les Frères musulmans ne baissent pas les bras et mènent régulièrement leurs offensives meurtrières contre le régime d'Abdelfattah Essissi. Au Soudan, le régime en place est intégriste fondamentaliste, autrement dit solidaire des mouvements islamistes en guerre contre leurs républiques respectives. Quant à la Tunisie, à l'Algérie et au Maroc, ils sont comme étranglés par l'étau terroriste qui les encercle depuis la Mauritanie et le Mali jusqu'en terres tchadienne et libyenne, sans compter les groupes armés embusqués à leurs frontières communes. Si à ce péril étouffant s'ajoute le désastreux virus d'Ebola, on voit mal comment notre Etat et ses voisins pourraient venir à bout, en même temps et avec des moyens relativement limités, des deux fléaux à la fois ! Limiter les dégâts En vérité, et comme le dit si bien un vieux dicton arabe, « la brebis n'est pas plus morte une fois écorchée » : car avec ou sans la menace d'Ebola, notre chère Tunisie, et le monde arabe en général se trouvent déjà dans de sales draps. A l'horizon ne se profile pour leurs peuples qu'un avenir sombre fait de divisions et de guerres fratricides. Inexorablement, et à la faveur de « traîtrises » diverses, une nouvelle carte se dessine en ce moment pour disloquer encore plus cette entité très rarement unie au cours de son histoire. Ebola est donc un moindre mal si l'on en juge d'après les ravages « limités » que cette épidémie occasionne là où elle frappe. Le terrorisme intégriste, lui, est plus profondément ravageur : il ne s'en prend pas aux corps seulement ; il sape des idéaux, des rêves de progrès, de vraie renaissance culturelle, technologique et scientifique, de liberté, de justice, de démocratie et d'égalité ! Les dommages d'Ebola restent réversibles ; ceux du terrorisme dogmatique obscurantiste sont très difficilement surmontables. Alors ? Ebola ou Daech ?