L'Observatoire national de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé a présenté, hier, les grandes lignes d'une stratégie nationale de prise en charge des victimes du terrorisme préconisée en tant que contribution de la société civile au soutien des efforts de l'Etat et du gouvernement dans ce domaine, et ce lors d'un point de presse tenu, à la maison de l'avocat, à Tunis, en collaboration avec l'Ordre national des avocats de Tunisie. Cette stratégie a été exposée par le président de l'Observatoire, Hatem Yahyaoui, et ces deux vices présidents Kamel El Ajouz et Badis Koubadji, des avocats tous les trois. Ils ont déclaré que cette stratégie prête une attention particulière à la protection sociale et économique des victimes du terrorisme, face à l'approche sécuritaire sur laquelle le gouvernement met l'accent, dans la lutte contre le terrorisme et les groupes terroristes, bien que la loi de finances complémentaires pour 2014 prévoie la création d'un fonds de lutte contre le terrorisme à interventions multiples. Dans ce contexte, l'Observatoire propose au gouvernement actuel d'attribuer la qualité « mort pour la patrie » à tous ceux parmi les agents des forces de l'ordre, les militaires et les citoyens ordinaires dont la mort est causée par le terrorisme, avec la mention de cette qualité dans les actes de décès. Incitation du citoyen La stratégie préconise, également, la mise en place d'incitations propres à encourager le citoyen à aider à la lutte contre le terrorisme, en proposant une récompense en argent à celui qui fournit des informations susceptibles de contribuer à arrêter des terroristes, à démanteler des réseaux terroristes et à remonter les sources qui les financent et les arment. Le gouvernement avait pris une décision dans ce sens. Le président de l'Observatoire a fait part de ses remerciements au gouvernement pour avoir donné suite à cette suggestion émanant de l'Observatoire. Dans le cadre de cette même stratégie, l'Observatoire national de lutte contre le terrorisme et le crime organisé suggère la création d'une institution destinée à prendre en charge les enfants des femmes tunisiennes, revenues enceintes de Syrie, au nom du « jihad sexuel », afin d'élever ces enfants comme il se doit et faire d'eux de bons citoyens. Le président de l'Observatoire a annoncé, en outre, l'ouverture d'un fonds destiné à fournir la protection et l'assistance nécessaires aux enfants et familles des victimes du terrorisme et d'accorder cette protection à ces enfants en tant que « pupilles de la Nation. » Manque de données A l'issue de cet exposé, plusieurs journalistes ont pris la parole. Ils ont attiré l'attention sur l'absence de données quantitatives concernant les victimes du terrorisme en Tunisie. Le président de l'Observatoire a indiqué que des démarches avaient été faites dans ce sens auprès des autorités concernées mais sans résultats et que l'Observatoire compte faire sa propre enquête à ce sujet afin de disposer de données quantitatives. Il a estimé le nombre des victimes du terrorisme en Tunisie à 200 martyrs et 600 blessés. Les journalistes ont évoqué aussi les doutes qui entourent l'existence du jihad sexuel, en Syrie et les observations négatives faites à ce propos par de nombreux hommes politiques, analystes et grands journaux, dans le monde. Les responsables de l'Observatoire se sont référés surtout aux discours et interventions de quelques officiels tunisiens, à ce sujet, encore que le ministère de la femme en Tunisie avait dit ne pas disposer de preuves irréfutables sur la pratique du jihad sexuel, en Syrie, par des femmes tunisiennes. Les journalistes ont insisté, aussi, sur la nécessité d'approfondir la définition de victimes de terrorisme et d'accorder la priorité aux victimes civiles qui n'ont pas, derrière eux, des institutions officielles qui protègent leurs intérêts et leurs droits, en pareils cas. Salah BEN HAMADI Loi antiterroriste - Fondamentale ou ordinaire ? Un risque de banalisation Depuis le temps que la loi contre le terrorisme a été soumise à approbation de l'ANC, elle aurait déjà été votée par nos élus qui sont pourtant, du moins pour la plupart, contre le terrorisme. Cependant chaque jour connait son lot de tiraillements entre nos élus à propos de ladite loi, ce qui rend dubitatif sur le respect de la date fixée pour son vote à savoir le 21 août 2014. Les divergences ont commencé concernant le risque avec cette loi d'atteinte aux droits de l'Homme, question qui a incité à rappeler à nos élus que l'ancienne loi antiterroriste, promulguée par Ben Ali n'a pas donné beaucoup d'importance à ce sujet et cela allait de soi, et dénotait de l'esprit des lois qui à l'époque étaient plutôt répressives. Il est vrai qu'il est nécessaire de mentionner que les droits de la défense et du procès équitable doivent, tout comme la présomption d'innocence être expressément garantis pour tous les accusés dans la loi en question. Autre divergence entre les députés : l'appellation même entre « loi contre les crime de terrorisme » et « loi contre le terrorisme » et c'est finalement cette deuxième qui a été retenue à la majorité des voix. Avant-hier nos élus ont bloqué de nouveau, devant la divergence à propos de la qualification juridique de la loi, entre loi fondamentale et loi ordinaire, qu'avait proposée un certain nombre d'élus dont le doyen Fadhel Moussa, lequel en tant que juriste constitutionnaliste, saisit bien la nuance et l'importance entre ces deux appellations ; La nuance entre loi ordinaire et loi fondamentale est que celle-ci a valeur constitutionnelle et qu'elle revêt de ce fait un caractère fondamental pour la communauté politique et mérite donc d'être constitutionnalisée, étant le symbole d'une identité et d'une souveraineté affirmées. L'intérêt donc de considérer la loi en question comme loi fondamentale, consiste , comme l'a bien affirmé le doyen Fadhel Moussa, à privilégier le caractère préventif et anticipatif de cette loi. « Il ne faut pas attendre que les terroristes passent à l'acte » a-t-il encore fait remarquer. « Le clou de la séance » Brahim Gassas était intervenu pour, comme d'habitude, mettre son grain de sel, en affichant son désapprobation sur le fait de considérer la loi entant que loi fondamentale, à l'instar d'autres députés tels que Azed Badi, Abderraouf Ayadi et Habib Khéder, lesquels étaient pour la poursuite du vote. Concertation avec les ministères concernés La séance a été levée et le vote des articles de la loi encore une fois reporté, afin de procéder entre autres et selon les suggestions de certains députés, à de nouvelles concertations, entre le ministère de la Justice et les chefs des blocs parlementaires, ainsi qu'avec les membres de la commission de législation afin de parvenir à un consensus définitif sur cette question. Il est vrai, comme l'a affirmé le doyen Fadhel Moussa, qu'il est nécessaire de privilégier le caractère préventif et anticipatif de cette loi, en lui donnant la valeur de loi fondamentale. Il ne fallait pas néanmoins que les députés se perdent en conjectures pour des notions aussi évidentes. Le terrorisme constitue une menace de plus en plus grande pour le pays. Il est donc grand temps de passer au vote de la loi en la drapant de la valeur d'une loi fondamentale. Le temps n'est plus aux tergiversations. Il est impératif de passer au concret.