Selon Platon il y a une justice légale et une justice naturelle. Toutes les deux font partie dit-il de la Justice politique, le système judiciaire étant tributaire du système politique en place. La Justice naturelle est la plus proche de la vérité, et la justice légale peut être conforme à la vérité, si telle est la volonté du système politique et elle s'impose une fois qu'elle est établie. C'est autour de ce thème qu'un colloque a été organisé par l'Observatoire tunisien pour l'indépendance de la magistrature (OTIM) et au cours duquel des intervenants ont évoqué les différents points à envisager en vue de rendre droit aux martyrs et aux blessés de la Révolution, dans le cadre de la Justice transitionnelle, en vertu de laquelle il a été décidé de confier cette affaire à une juridiction civile. En effet le tribunal militaire n'avait pas œuvré comme il se doit en vue de connaître toute la vérité, laquelle contribuera à une juste qualification des faits sur le plan pénal, une délimitation des responsabilités, pour une meilleure indemnisation des familles des martyrs. « Il n'y a jamais eu d'enquête approfondie au niveau du Tribunal militaire a affirmé Me Leïla Ferhani, avocate de la partie civile, au nom des familles des martyrs et blessés de la Révolution de Thala et de Kasserine . Ce fut la raison pour laquelle, précisa-t-elle, que les délits d'homicide volontaire et complicité n'ont pas été retenus, et les hauts responsables ont bénéficié par là même de jugements cléments Ces derniers ne sont nullement proportionnels à la gravité des faits, survenus pendant la Révolution partout dans le pays. Cela ne permet en aucun cas de dédommager équitablement les familles des martyrs et blessés de la Révolution. Concernant les négligences de la juridiction militaire dans les enquêtes et dans le même ordre d'idées, maître Hanifi Fidhi, avocat à Kasserine ,et intervenant au nom de l'Association des familles des martyrs et blessés de la Révolution, a affirmé que parmi les faits totalement négligés par le tribunal militaire malgré les multiples rapports présentés par les avocats de la partie civile, les atteintes à la pudeur qui avaient lieu au cours de la Révolution, dans un Hammam à la cité Ezzouhour à Kassarien, lequel a été investi par un certain nombre de personnes alors que les femmes s'y trouvaient et ce, en vue d'atteindre à leur intégrité physique. Cet évènement a été totalement négligé par les enquêteurs qui étaient pourtant chargés par le tribunal militaire. » Justice transitionnelle La mission des juridictions qui ont été instituées dans le cadre de la Justice transitionnelle, consiste donc à reprendre l'enquête afin de ne négliger aucun des faits survenus lors de la Révolution laissant des morts et des blessés, auxquels justice doit être faite. La Justice est rendue au nom de la vérité et celle-ci se cherche. Cette mission doit être confiée à la juridiction adéquate, et en l'occurrence, ce n'est nullement le rôle du tribunal militaire. Cette juridiction est un héritage des autorités coloniales qui l'avaient institué afin de mater les militants et de les liquider par les armes, à la suite de simulacres de procès. Ce fut le cas de Ben Jaballah et tous les militants qui ont dénoncé les exactions du colonialisme. Le tribunal militaire a continué à l'aube du colonialisme, et ce fut au tour des militaires accusés en 1961 de complot contre la sûreté de l'Etat. En vertu de la nouvelle Constitution, il ne sera désormais compétent que dans les délits militaires. C'est donc à juste titre que les dossiers des martyrs et blessées de la Révolution ont été confiésà des juridictions civiles. Il est temps que la justice militaire passe la main. Les jugements rendus par cette juridiction deviendront caducs à partir du moment où les nouvelles juridictions seront mises en place. La situation est identique en cas de révision de procès. C'est ce que dénoncent cependant les avocats des accusés. Mais les familles des martyrs et des blessés de la Révolution estiment qu'elles n'ont pas été jusque là équitablement dédommagées, notamment au vu des jugements relativement cléments à l'endroit des accusés. En tout état de cause, ce qui importe pour les avocats de la partie civile, c'est un jugement en équité, afin de dévoiler toute la vérité sur les évènements de la Révolution au cours desquels des personnes humaines ont payé de leur vie et de leur sang.