Vendredi dernier, la petite salle d'El Teatro (El Mechtel) a accueilli un public nombreux pour la première de la pièce classique Caligula d'Albert Camus mise en scène de Jean Luc Garcia. Produite par El Teatro Studio, cette création en langue française est interprétée par une pléiade de comédiens tunisiens : Lobna Toukebri, Soufia Chadli, Donia Hnayen, Walid Mufti, Salma Fourati, Mouna Akrout, Boutheina Ferchioui, Nadia Ben Yaala, Adrien Maitrinal, Souheib Oueslati, Hela Fourati, Hela Skhiri et Rim Ben Amor et une équipe technique composée de Sabri Atrous (lumières et régie générale) et Sofiène Ben Youssef (Régisseur Son). «Caligula», est le drame d'un homme droit et valeureux qui, suite à la mort de sa sœur et maîtresse Drusilla, va basculer dans une folie meurtrière irréversible. Publiée en 1944, mais écrite dès 1938, « Caligula » a été joué pour la première fois en 1945. Il s'agit, avec « Le Malentendu » (1944), d'une pièce destinée à mettre en évidence la philosophie de l'absurde de Camus. Caligula, autrefois empereur parfait, « scrupuleux » et raisonnable, perd sa sœur tendrement aimée, et découvre que « les hommes meurent et ne sont pas heureux », autrement dit que la vie, à laquelle pourtant chacun s'accroche, n'a pas de sens. En s'affranchissant de toute règle, il va chercher à atteindre l'impossible, quelque chose qui n'est pas de ce monde. Et en se montrant, à l'image des dieux, insensible, immoral et cruel, il espère inciter les hommes à se libérer des mensonges sur lesquels ils assoient leur existence. Jean Luc Garcia a choisi de situer les événements dans un décor minimaliste. Les personnages sont habillés en tuniques romaines. Tandis que les dialogues sont comme les a écrits Camus dans un français parfait. Il a surtout tenté de ne pas faire de Caligula uniquement un tyran gratuitement assoiffé de pouvoir et de sang, un fou. Mais, de jouer sur tous les tableaux pour ne pas mettre en avant la monstruosité de ce personnage et de son déchirement, car la fin poursuivie par Caligula n'est pas monstrueuse même si les moyens sont horribles. Il y a comme une quête d'absolu, la recherche de la vérité et de la liberté. La complexité du personnage de Caligula a nécessité un parti-pris de mise en scène qui a consisté à fractionner le personnage en six formes de telle sorte qu'il soit interprété par plusieurs comédiens. Chaque comédiens incarne une des facettes de cet homme qui «mi-ange, mi-démon, mi-homme, mi-dieu». De ce fait Caligula nous semble proche, humain malgré l'horreur qu'il inspire mais la lucidité du regard qu'il porte sur les hommes et la révolte qu'il tente de leur enseigner le fait qu'il se rapproche de nous, spectateurs.