L'Acropolium de Carthage et l'Ambassade de la République de Pologne à Tunis ont invité le duo « Cracow » composé de Jan Kalinowski et Marek Szlezer sur la scène de l'incontournable rendez-vous automnal : l'Octobre Musical. Le violoncelle du premier et le piano du deuxième ont habité la scène donnant lieu à une rencontre ingénue sous l'égide de la grandeur à travers une programmation riche et variée. Sous les doigts du duo, une ferveur et une intensité interprétatives ont happé l'attention du public venu se délecter d'un moment musical unique... La Pologne a été mise à l'honneur lors du concert du lundi 13 octobre sous la coupole de l'ancienne cathédrale Saint Louis. En effet, le programme choisi par le duo « Cracow » est une revisite d'un répertoire classique de compositeurs polonais ou d'origine polonaise. La soirée a débuté avec une Introduction et une Polonaise, suivies par une sonate signée Frédéric François Chopin. On l'oublie souvent, mais Chopin avant de connaître sa notoriété en France a poursuivi ses études et débuté sa carrière en Pologne, sa terre natale. Dans la soirée du lundi dernier, quelques unes de ses célèbres et incontournables compositions ont charmé l'oreille du mélomane avec la variabilité romantique qui caractérise l'œuvre de Chopin. Cette ballade dans le répertoire classique du XIXème siècle a été talonnée par une investigation de compositions de virtuoses du XXème. Dans cette investigation les œuvres de Sir Andrzej Panufnik, d'Alexandre Tansman ont offert ce moment d'extrême intensité dans une partition profonde et complexe. Entre les deux compositions, un « Preludium » de Karol Maciej Szymanowski et Grażyna Bacewicz a été le moment d'une immersion totale dans un univers particulier de pureté musicale. Si le premier est russe de naissance, la deuxième est polonaise ayant poursuivi ses études en France. Considérée par ses pairs, Grażyna Bacewicz est, après Maria Szymanowska, la seconde compositrice de renommée internationale. Enfin, « le Grand Tango » vif et légèrement véhément de l'argentin Astor Piazzolla a apporté cette touche finale à la fois séduisante et sensuelle à un concert riche en sensation et d'intense poéticité. Un concert qui a maintenu en haleine le public par l'excellence du jeu de Jan Kalinowski et Marek Szlezer. Le duo « Cracow » a envahi la scène avec cette présence remarquable. Sobrement vêtu, le violoncelliste et le pianiste ont ampli l'espace de la salle des spectacles de notes mélodieuses agrémentées d'ornementation conférant une fluidité dans l'interprétation lorsqu'ils abordèrent le romantisme de Chopin. Puis cette délicatesse interprétative s'est teintée peu à peu de modernité pour acquérir une puissance nouvelle où la profondeur laissait percevoir toute la teneur de la composition. L'intensité du jeu permettait, quant à elle, de plonger dans l'univers des deux artistes. Un univers dans lequel le piano et le violoncelle dialoguaient dans une harmonie parfaite. Au diapason de leur conversation transparaissait en filigrane la virtuosité des deux interprètes. Les deux acolytes ont happé l'attention par leur savoir-faire et par leur sensibilité à l'égard de la partition. Leur jeu savamment mené et leur complicité qui se faisait miroiter et s'intensifiait au détour de chaque morceau était un moment de délectation. Sous leurs doigts renaissaient les notes ataviques avec une once de génie personnalisé. Les notes grandiloquentes se transformaient lors du passage d'un siècle à l'autre, d'une époque à une autre, au fil du programme, en notes épurées, au bord de la rupture, transcendant toute la magnificence de la musique dans sa beauté et son aspect tourmenté et tumultueux. Des sensations rendues possibles grâce au génie des deux artistes. Jan Kalinowski et Marek Szlezer, avec leur duo « Cracow », ont réussi à offrir un moment singulier à la rencontre de la Pologne à travers ses plus grands compositeurs. Mais au-delà des frontières polonaises, ils ont associé leur talent à la virtuosité de compositeurs internationaux d'Amérique latine et d'Europe. Leur brillante interprétation et leur complicité ont été le point névralgique qui a rendu ce concert du lundi 13 octobre un moment privilégié ; celui d'un partage passionnant de la part de passionnés à l'égard d'amateurs de grande musique...