Quand les mots s'imprègnent des couleurs des toiles et rêvetent les formes les plus variées pour être les signes d'une écriture à la croisée de la littérature et la peinture, le texte ne pourrait que prêter à rêver et à initier le lecteur à sortir des sentiers battus. Ecrire en laissant se croiser l'historique et le fictif, c'est se désenclaver de l'orbite ordinaire pour suivre le cheminement de l'histoire entrelacée des personnages des romans de Aicha Ibrahim. Historienne de formation, peintre et auteur de plusieurs ouvrages, Aicha Ibrahim est à cheval entre la Tunisie et l'Espagne de par ses origines maternelles espagnoles. Elle a su tirer profit de ce métissage culturel que l'on trouve dans ses tableaux et ses écrits. Ses deux romans, ‘'Dernier demeure'' et ‘'Le Sarment, une saison à Kerkennah'' sont un voyage qui maintient l'haleine du lecteur jusqu'à la clausule, tout en s'attardant sur les moments jubilatoires et conflictuelles qui emportent les personnages par-delà toute confination. «Mes personnages vont au-delà des normes, leurs souffrances et leurs cris s'inscrivent dans une terrible volonté de changer le cours des choses», confie-t-elle aux lecteurs dans ‘'Dernière demeure''. En perpétuelle quête de se réaliser en dehors de ce qui les confine, ils cherchent chacun à sa manière de rebondir sur le réel amer et consternant pour donner sens à leur vie. ‘'Une saison à Kerkennah'', est un roman insulaire, au fil duquel, l'auteur livre les us et coutumes de cette île tunisienne dans un syle dépouillé pour que tout lecteur s'y retrouve aisément et où elle sonde leur tréfonds intime.Une sorte d'exotisme mêlé au mythique et au rituel confèrent à l'œuvre une portée anthropologique. Peintre, Aicha Ibrahim, a à son actif maintes expositions et des prix littéraires dont le Grand Prix de la Méditerranée pour sa nouvelle ‘'Le silence du bleu de la mer'' et le Prix Zoubeida Béchir pour son livre ‘'Arbre de lumière, Arbre de vie''. Son essai ‘'Le miroir des formes'' paru en 2004 est suivi ces derniers temps par une nouvelle parution ''Les Morisques et le pont des civilisations, une particularité hispano-tunisienne''. Dans cet ouvrage, l'auteur tisse, encore une fois, des liens historiques entre l'art d'écrire et l'art de peindre, deux mondes à part entière qui trouvent leur synergie loin des étanches cloisons des disciplines pour n'en faire qu'un seul art, celui de la création !