Une soirée des plus exquises a été l'occasion de rencontrer de jeunes talents de moins de trente ans sur la scène de l'Acropolium. La 20ème édition de l'Octobre Musical a accueilli l'Orchestre de chambre de l'Institut Supérieur de Musique de Sfax. Deux ans après son passage sur la scène de l'incontournable festival automnal, l'Orchestre a renouvelé l'expérience en offrant un florilège de musique classique et d'arrangements. La grande musique et la musique tunisienne étaient réinvesties pour le plaisir des mélomanes présents en ce vendredi 17 octobre sur la colline de Byrsa... Le talent qui était au rendez-vous le vendredi n'était pas suivi par le public. En effet, ce dernier a brillé par son absence. Peu de personnes ont fait le déplacement jusqu'à l'Acropolium ce soir là. Les questions qui subsistent et qui demeurent sans réponse, c'est d'abord, le pourquoi de cette absence. Ensuite, est-ce une malencontreuse coïncidence ou plutôt un dénigrement et un scepticisme à l'égard de la formation, de son sérieux et de son savoir-faire qui expliqueraient cette attitude ? Nul ne le saura. Pourtant sur la scène de l'ancienne cathédrale Saint-Louis, Molka Kannou, Youssef Brini, Amjed Ben Taher, Fatma Charfi, Nouha Mallek, Sonia Doghri, Hsan Lajmi, Mohamed Ali Bouaziz, Bayrem Zouch, Mohamed Ali Maharsi et Chady Dammak ont investi l'espace et ravi le temps afin de le suspendre pour une heure et quelques poussières au rythme des airs de Strauss, de Brahms, de Purcell ou encore de Giazotto dont le célébrissime Adagio (chanté par Lara Fabian en France et Majida el Roumi au Liban) complète le fragment d'Albinoni trouvé après le bombardement de la bibliothèque de Dresde lors de la Seconde Guerre Mondiale. Un morceau, en quelque sorte, co-signé. Mais assez de la grande histoire et retournons à la petite histoire où la musique était maîtresse incontestée. Si cette musique fut impeccablement interprétée, c'est certes grâce à une harmonie parfaite entre les membres de l'Orchestre, mais également aux docteurs Andreea Ciornenchi Grigoras, en sa qualité de chef d'orchestre et Bogdan Grigoras, premier violon soliste. D'une poigne ferme, la chef d'orchestre a dirigé les musiciens avec véhémence. Vifs et énergiques ses mouvements épousaient les mouvements et les variations tonales des compositions. Avec attention, elle avait l'oreille aux aguets, suivant presque chaque instrument individuellement. Et lorsqu'une corde de violon se rompit, elle s'excusa de cet imprévu inopportun avec un brin d'humour pendant que le premier violon accordait l'instrument. Dans le sillage de la musique brillamment exécutée, outre l'Adagio, la « Polka Pizzicato », « la Danse Hongroise », le « Frühlingsstimmen-Walzer » (Voix du printemps) entre autres, ont entraîné les spectateurs dans les méandres délicieux de la grande musique. En parallèle des plus grands airs, un hommage à Saliha a été rendu dans un arrangement signé Youssef Brini. Un nouveau souffle a été donné à certaines chansons de l'interprète tunisienne. Une composition d'Aziza Mustapha Zadeh a été jouée et revisitée par le pianiste Chady Dammak. Un morceau difficile d'abord avec ces consonances contemporaines habilement repris par l'ensemble de l'Orchestre. En dépit de l'absence très remarquée d'un large public, le concert de l'Orchestre de Chambre de l'Institut Supérieur de Musique de Sfax a apporté une touche d'élégance au contact de musiciens talentueux. Ils ont su communiquer leur passion à l'ensemble des présents, le vendredi 17 octobre dernier. Ils ont, par leur technique et leur application, capté toutes les attentions. Leur amour de la musique, ils l'ont décliné en ce mariage entre les deux rives de la Méditerranée ; leur verve a été le catalyseur d'une rencontre bien orchestrée entre les musiques où le chef d'orchestre comme ses acolytes ne semblaient pas interpréter seulement la partition mais l'investir totalement pour en extraire le beau, un pari tenu et excellemment relevé...