Maintenant que les dès sont jetés et que les urnes se sont prononcées sans équivoque, les regards de nombreux observateurs se retournent vers la présidentielle. Un nouveau suspense est à vivre. La sanction affligée aux partis de la Troïka, ainsi que les partis démocratiques, interpelle plus d'un. Dans la course à la présidentielle 27 candidats sont en lice. Que vont faire ceux dont les partis ont connu une déroute aux législatives ? Qui restera dans la course ? Ceux qui avaient préféré que les législatives se déroulent en premier lieu, ne croyaient pas aux chances de Nida Tounès d'être au peloton de tête et voulaient priver ce parti d'un éventuel effet d'entrainement qu'exercerait le succès issus des sondages à Béji Caïd Essebsi. Dans moins d'un mois se déroulera le premier tour de la présidentielle. Le second tour est prévu pour le 28 décembre. Quel impact auront les résultats des législatives sur la présidentielle ? Certains pensent qu'il faut s'attendre à ce que la plupart des partis politiques et certaines franges de l'opinion publique, se liguent contre la candidature de Nida Tounès à la présidence de la République, dans le but d'éviter un cumul des pouvoirs et une plus grande concentration de celui-ci qui peut être préjudiciable à la transition démocratique. Ils pensent dans ces conditions, qu'une candidature indépendante à la magistrature suprême peut se trouver favorisée surtout que le futur président de la République aura à jouer, à côté de ses prérogatives constitutionnelles, un rôle d'arbitrage permanent entre les forces politiques hétérogènes qui vont constituer le prochain gouvernement. Les 27 candidats à la présidentielle sauront-ils lire et comprendre les messages adressés par l'électeur tunisien pour évaluer leur chances ? L'universitaire Mustapha Tlili constate que certains candidats sont des leaders de partis qui ont réalisé de très faibles scores aux législatives et devront réexaminer la légitimité de se porter candidat à Carthage, dans les circonstances actuelles. Il déclare au Temps : « Ils peuvent être des personnalités qui ont quelque chose à ajouter au paysage politique, mais le contexte du moment a sa vérité et son mot. Ils doivent avoir l'audace de se retirer, même si c'est impossible légalement. D'ailleurs, il n'est pas normal que la loi électorale empêche le retrait des candidatures. Il ne fallait pas axer sur l'aspect logistique (impression des bulletins de vote...) aux dépens du politique. Quant au candidat de Nida Tounès, Béji Caïd Essebsi, il tirera, nécessairement profit des résultats acquis par son parti. Il se débarrassera des effets des attaques qu'il avait subies depuis deux mois de la part de ses concurrents ainsi que de sa famille politique. Il sera dans une position plus confortable que celle si son parti avait récolté moins de succès. La victoire entraîne la victoire. Quant à Ennahdha, elle a été désarçonnée par les résultats des législatives. Concernant la présidentielle, elle était déjà perturbée avant les législatives. Elle n'a pas fixé sa position. Je pense que son candidat sera Hammouda Ben Slama. Ses résultats dans les législatives n'ont fait que confondre ses hésitations. Je pense que lors des réunions internes au sein du mouvement, les positions ne seront pas faciles à trancher. Des incidences sur l'unité et la cohérence du mouvement sont à attendre à moyen terme. Les divergences entre les directions centrales, intermédiaires et la base auront des conséquences néfastes ». Pour le sociologue Abdessattar Sahbani, l'impact des résultats des législatives sur la présidentielle est clair. Il déclare au Temps : « la remarque la plus importante est la bipolarisation politique dans le pays qui, qu'on le veuille ou non, s'institutionnalise. Le vote utile ne fait que condamner les petits partis. Donc, les candidats à la présidentielle sont théoriquement, ceux qui seront soutenus par un des deux pôles politiques. Ennahdha ne s'est pas encore prononcé et n'a pas de candidat. Ce qui va ouvrir la porte aux surenchères politiques. D'ailleurs, le premier à le faire est Néjib Chebbi qui propose ses services à Ennahdha. Un autre phénomène est à souligner. Nous avons 27 candidats. De par la loi personne ne peut se retirer. Est-ce que le candidat du CPR va résister malgré le nombre réduit de sièges obtenus. Il en est de même pour Ettakatol. J'imagine mal que les leaders de ces deux partis réalisent un bon score. La présidentielle demande beaucoup de force. De toutes façons, tous ceux qui sont plus ou moins représentés par peu de députés au parlement, ou soutenus par des partis politiques en baisse, n'ont pas de chance de passer au 2ème tour. Quant aux indépendants, ils sont bien nombreux. Dans les législatives, leur score est quasiment nul. C'est du gaspillage d'argent. Je ne pense pas que cela puisse fonctionner, à l'exception de deux, Kalthoum Kennou et Mustapha Kamel Nabli. Kalthoum Kannou est une femme juriste ex-présidente de l'Association des Magistrats de Tunisie (AMT). Elle a un charisme et su imposer le respect autour d'elle. Mustapha Kamel Nabli, était Gouverneur de la Banque centrale et on se rappelle de son discours à l'ANC lorsqu'on a voulu le démettre. C'est une leçon pour tout le monde. Il a su garder le silence, a du charisme et un réseau international. Ces deux noms pourraient faire quelque chose. Toutefois, je pense qu'Ennahdha ne soutiendra pas Kalthoum Kennou pour une question de genre. Elle ne soutiendra pas non plus, Mustapha Kamel Nabli, pour leur ancien contentieux. Pour les autres, il ne suffit pas d'avoir de l'argent. Il faut être omniprésent. Les jeux sont presque faits, en attendant le candidat d'Ennahdha. Par ailleurs, le 2ème tour de l'élection présidentielle aura lieu le 28 décembre, période de vacances ». Nabil Belaam, spécialiste dans la mesure de l'état de l'opinion publique, pense qu'une dynamique bien particulière accompagnera la présidentielle. Il déclare au Temps : « La Troïka a accusé une défaite par l'effritement d'Ettakatol et du CPR. Les leaders de ces partis vont en subir les conséquences. Moncef Marzouki, aussi. Leur chance de gagner la course à la présidentielle s'est dégringolée. Ennahdha va miser massivement sur un leader gagnant. Lequel ? Elle ne va pas miser sur Mustapha Ben Jaâfar, ni Moncef Marzouki, ni Ahmed Néjib Chebbi dont les partis ont subi une grosse défaite. Elle optera plutôt pour une personnalité sans parti n'ayant donc pas subi la débâcle. Il lui faudra quelqu'un qui n'ait pas été touché par le séisme électoral. D'autres candidats ont une couleur d'un parti perdant comme Hachemi Hamdi, Mohamed Hamdi. Leurs chances sont minimes. Restent d'autres comme Mustapha Kamel Nabli. Tout dépendra des arrangements avec les grands Nida Tounès et Nahdha. Pour Nida tout le monde dit que c'est Béji Caïd Essebsi, mais rien n'est sûr. Une dynamique très particulière est attendue à la présidentielle ».