La soirée de clôture de la vingtième session de l'Octobre Musical était purement tunisienne. Après l'Orchestre de chambre de l'Institut Supérieur de Musique de Sfax, l'ensemble « Ifriga » et la participation de Alia Sellami et des musiciennes de « Azifet » respectivement aux soirées française et japonaise, la clôture a été assurée par l'Orchestre et Chœur Philarmonique de Tunis. Une formation qui a réuni plus d'une cinquantaine de musiciens sur la scène des plus attendus des festivals du mois d'octobre en Tunisie. Sous la direction de Chadi Garfi, l'orchestre a interprété un programme hétéroclite où voix et instruments ont égayé l'espace pendant près d'une heure trente... Après trente minutes d'attente, le public, qui pouvait entendre les derniers instants de la répétition, dehors, devant la porte d'entrée, à peine dix minutes avant le début officiel du concert, a regagné la salle des concerts à vingt heures, heure où était initialement prévu le concert. Il est coutumier de commencer un spectacle quel qu'il soit avec quelques minutes voire un quart d'heure de retard. Une demi-heure était un laps de temps relativement long pour lequel personne ne s'est excusé auprès de l'assistance. Donc avec du retard, le temps que tout le monde prenne place sur scène, le concert a entonné l'hymne national tunisien. Est-ce par fierté, par patriotisme ou plutôt pour fêter la tenue sans heurts des élections que l'hymne a été interprété ? La question reste entière d'autant plus qu'aucune personnalité officielle du gouvernement ou de l'un des partis politiques n'était présente en ce vendredi soir. Mais, devant une salle debout et avec le chœur chantant les paroles de l'hymne, on ne pouvait que frissonner d'émotion. Ensuite, ce fut le reste du programme qui a été déversé sur un public venu en grand nombre. Johannes Brahms et Ludwig Van Beethoven étaient les deux compositeurs classiques dont les airs connus ont été interprétés par l'orchestre. Moins connu d'une bonne partie de l'assistance, le Faust de Charles Gounod a été une découverte orchestrée par Chadi Garfi et bien exécuté par l'ensemble. Dans cette partie classique, les spectateurs ont pu admirer une perception de la grande musique grâce à une technique satisfaisante de la part de l'ensemble même si parfois, il y eut des moments d'hésitation et de timidité dans l'interprétation de certains mouvements. Cette timidité dans le jeu était-elle due au trac ? Néanmoins, ce flottement perceptible n'entame en rien la teneur et la beauté des morceaux choisis. Lesquels ne se sont pas limités à la musique classique. En effet, une reprise de « Noujoum Ellil » (Etoiles du soir) de Farid Al Atrach, orchestrée par le célèbre Mohamed Garfi, père de Chadi Garfi, a été l'instant oriental de la soirée, une partition attendue par beaucoup. Puis ce sont des musiques de film qui ont été la surprise. Jurassic Park, Gladiator, des extraits d'Ennio Morricone ont été revisités. Des airs connus qui ont beaucoup plu et qui ont satisfait l'oreille des convives. Aussi particulier et intéressant qu'était ce programme, il aurait été judicieux de dissocier le classique des reprises des bandes originales de films. Deux parties bien distinctes auraient structuré le concert et auraient permis d'en suivre la progression aisément le long de la soirée. Malgré ce petit bémol, les musiciens étaient à la hauteur des attentes et Chadi Garfi a montré ses talents de chef d'orchestre qui ne pourront que se développer et s'intensifier avec l'âge. Le rideau de la vingtième session de l'Octobre musical tombe avec les paroles de l'hymne national tunisien chanté en rappel par l'Orchestre et Chœur Philarmonique de Tunis et repris en chœur par le public. Cette session a été l'occasion de rencontres inédites et de retrouvailles merveilleuses avec des artistes venus des quatre coins du monde, ainsi qu'avec des partitions inoubliables et d'autres qui renaissent de leurs cendres. Du Japon, à l'Argentine, en passant par la France, l'Italie, la Russie, Malte, la Pologne, l'Autriche, le Portugal, l'Espagne, la Wallonie-Bruxelles, la Tchéquie sans oublier la Tunisie, des pays ont été visités grâce aux notes et aux phrasées. Des artistes à la virtuosité incontestée ont foulé la scène de l'Acropolium pour conjuguer leur talent au génie des compositeurs pour le plus grand plaisir des mélomanes, habitués étaient-ils ou curieux. Misant sur l'excellence, l'Octobre Musical a été comme à son habitude, un haut lieu de raffinement et d'esthétisme incontestable. Grâce au travail de son concepteur et directeur Mustapha Okbi, aussi discret que vigilant, le festival s'inscrit de plus en plus dans la lignée des festivals incontournables qui font revivre la musique classique à chaque sortie d'été et aux premières lueurs de l'automne. Un rendez-vous pris chaque année à la même période qu'on renouvellera avec le plus grand des plaisirs l'an prochain en sa vingt-unième édition...