La conférence d'hier tenue par ATIDE était, initialement, prévue pour la fin des élections présidentielles, c'est-à-dire après le second tour. Mais comme la première manche de cette échéance a connu une certaine effervescence, les responsables de cette association ont jugé utile de l'avancer. Cette conférence avait comme titre « Des élections pluralistes, concurrence déloyale et manque de transparence ». Les réticences de l'ISIE Le président d'ATIDE, Moez Bouraoui, a commencé par rappeler qu'avant le démarrage de la campagne électorale et pendant le silence électoral il a attiré l'attention sur ce climat tendu et lancé un appel à tous les protagonistes pour calmer les esprits. Ces appréhensions se sont confirmées sur le terrain avec la proclamation des résultats au premier tour où la tension a augmenté d'un cran à cause de la bipolarisation devenue encore plus visible, selon le président d'ATIDE. La violence aussi bien verbale que physique, à l'image de ce qui s'est passé au Kram, qui a caractérisé cette opération électorale n'a pas touché seulement les concurrents, mais aussi les membres de leur association, des observateurs et des journalistes, ce qui influencerait, négativement, le taux de participation au second tour, a-t-il noté. Abdeljaoued Hrazi, l'expert-juriste à la conférence a mis l'accent, quant à lui, sur le fait que ces élections étaient pluralistes quantitativement et non pas qualitativement, que la concurrence n'était pas loyale et que la transparence était insuffisante qui était manifeste dès le début de la campagne électorale. Pour ce qui est de l'article 41 de la loi fondamentale n° 2014-16 du 26 mai 2014 relative aux élections et au referendum, qui exige le parrainage comme condition sine qua non pour la présentation de la candidature, l'ISIE n'a pas imposé la signature légalisée pour garantir la crédibilité de ce procédé. La conséquence de cette insuffisance, comme tout le monde sait, c'était la falsification d'un bon nombre de parrainages au moyen de l'utilisation par certains candidats du registre de la caisse sociale ou de celui d'une société privée. Parmi les parraineurs figurant sur les listes de ces candidats, il y avait même des gens décédés. Pour lutter contre ces graves dépassements, ATIDE a mis à la disposition des citoyens un système où ils peuvent dénoncer ces pratiques malsaines en les constatant par des huissiers notaires, a fait savoir le juriste. Ils étaient trois mille à s'adresser à leur association pour exprimer leurs intentions de saisir la justice pour condamner ces contrevenants. Le tribunal administratif a appliqué décret-loi n°2011-88 relatif à l'organisation des associations, habilitant ainsi ATIDE à se comporter en tant que partie civile. Elle a, alors, déposé les plaintes auprès du procureur général du tribunal de première instance de Tunis. Elle n'a agi qu'à la suite de la correspondance qu'elle a envoyée à l'ISIE lui demandant d'assumer son devoir en faisant le procès de ces candidats qui ont transgressé la loi. Au début, l'instance de régulation a refusé cet appel, puis, elle a cédé, sous la pression de la société civile, et fini par saisir la justice à son tour. Le corollaire de ces infractions s'est vérifié, de manière flagrante, au niveau du nombre des voix obtenues par certains candidats qui étaient très en-deçà du nombre de parraineurs. « Il est vrai que, juridiquement parlant, le parrainage ne signifie pas un engagement de la part de son auteur à voter pour le parrainé, cependant, l'écart très sensible fait planer des soupçons sur la crédibilité de cette opération », a fait remarquer Bouraoui. Des lacunes à combler Leila Chraidi, chargée de la formation à ATIDE, s'est penchée, de son côté, sur la campagne électorale pour le premier tour. En plus de l'affichage anarchique, elle a fait observer qu'au-delà de l'arrachement des affiches, certaines d'entre elles appelaient au boycott des élections ou dénigrait « la constitution laïque » par des parties islamistes. Les affiches urbaines avec des posters géants et dont le coût est trop élevé suscitaient des questions relativement au plafond des dépenses électorales, ce qui poussé ATIDE à demander à l'ISIE de procéder à des enquêtes à ce propos. En outre, cette campagne était accompagnée de discours violents et discriminatoires, incitant au régionalisme. Par ailleurs, le principe de proportionnalité médiatique entre les candidats n'était pas respecté, notamment dans l'audiovisuel, et certains d'entre eux ont bénéficié de temps d'antenne et de temps de parole beaucoup plus important au détriment de leurs concurrents. Certains présidents de bureaux de vote, à l'image de la cité El Bassatine au Kef Ouest, se sont absentés, une telle absence pourrait donner lieu à des fraudes. La moyenne des délégués des partis par bureau était de l'ordre de 2,23%, en Tunisie, et de 2,18%, à l'étranger, ce qui fait que, dans chaque bureau de vote, il y avait au mois deux, ce qui est une moyenne respectable. Concernant l'étranger, où le taux des infractions au niveau des registres des électeurs a atteint les 11%, le président d'ATIDE a révélé qu'à Nice les services consulaires se sont poursuivis dans le même espace réservé au scrutin et ce pendant 15mn. Il a terminé par formuler des recommandations à l'endroit de l'ISIE pour qu'elle procède à l'établissement d'un audit intégral du registre électoral, la révision des conditions et procédures du parrainage, au respect des procédures se rapportant à l'affichage des listes des électeurs dans les bureaux de vote à l'étranger, l'application rigoureuse des lois relatives au financement de la campagne électorale et la mise en place d'un nombre suffisant de superviseurs afin de limiter les infractions pendant la campagne et le silence électoral.