Au sein du mouvement islamiste Ennahdha, les colombes semblent l'avoir emporté sur les faucons au sujet de la position que devrait prendre le parti durant le deuxième tour de la présidentielle, prévu le 21 décembre. «N'ayant pas présenté un candidat à la présidentielle, le mouvement laisse à ses électeurs et partisans le libre choix de voter pour le candidat qu'ils considèrent comme étant le mieux indiqué pour occuper le poste de président», a précisé le parti dans un communiqué publié à l'issue de la 33ème session de son Conseil de la choura. Arrivé en deuxième position aux législatives derrière Nidaâ Tounes avec 69 sièges sur un total de 217 au parlement, Ennahdha a également salué «le nouveau consensus qui a prévalu au sein de l'Assemblée des représentants du peuple», appelant ses députés à «préserver ce climat positif de confiance réciproque». Le mouvement fait ainsi allusion à l'entente entre ses élus et ceux de Nidaâ Tounes en ce qui concerne l'élection du président et du vice-président du parlement. Dans ce même registre, le communiqué du Conseil de la choura appelle la direction du parti à «opter pour la voie du consensus afin d'éviter au pays de tomber dans le piège de l'exclusion et polarisation idéologique que prônent certains partis». Le parti de Rached Ghannouchi fait, dans ce cadre, référence à la position du Front Populaire qui a posé la non-participation d'Ennahdha au prochain gouvernement comme préalable à l'appui du candidat de Nidâa Tounes, Béji Caïd Essebsi. Le Conseil de la choura a, par ailleurs, estimé que «le pays a besoin d'un climat de stabilité politique et sociale qui nécessite la mise en place d'un large gouvernement nationale». Après avoir soutenu en sous-main le président sortant Moncef Marzouki durant le premier tour de la présidentielle en lui fournissant des moyens logistiques (observateurs, soutien des structures régionales...), le mouvement Ennahdha semble ainsi s'orienter vers une neutralité effective lors du deuxième tour de la joute électorale. Selon des sources proches du parti islamiste, c'est Rached Ghannouchi lui-même qui a pesé de tout son poids pour favoriser cette orientation. D'après certains observateurs, la probable neutralité effective d'Ennahdha servirait le candidat de Nidâa Tounes, car même si la direction du parti n'exerce plus un contrôle absolu sur la totalité de ses troupes, elle garde toujours une autorité incontestée sur ce qui constitue la base de masse du mouvement. A noter que plusieurs symboles de l'aile dure Ennahdha ont plaidé ces derniers jours pour un soutien clair à Moncef Marzouki lors du second tour. Il s'agit notamment de l'ex-Premier ministre et ancien secrétaire général d'Ennahdha, Hamadi Jebali et des «faucons» Habib Ellouze et Sadok Chourou. Dans sa lettre de démission, Hamadi Jebali a expliqué que «la Tunisie se trouve aujourd'hui face à des défis énormes, notamment le risque d'un retour de la tyrannie et de la corruption». «J'ai choisi d'être parmi les militants désireux de faire triompher le chemin de la révolution pacifique. Cette position, j'ai une grande difficulté à y être fidèle dans le cadre du mouvement Ennahdha aujourd'hui. Je ne me retrouve plus dans ses choix», a affirmé celui qui avait appelé avant le premier tour à voter pour un candidat appartenant à un parti autre que le parti majoritaire à l'Assemblée des représentants du peuple Appelant ouvertement à voter pour Marzouki, Sadok Chourou est allé jusqu'à mettre en garde, dans un communiqué publié vendredi dernier, contre «l'implosion d'Ennahdha en cas d'un soutien direct ou indirect à Béji Caïd Essebsi». Plus diplomatique, Habib Ellouze à, quant à lui, appelé les nahdhaouis à «se ranger du côté du côté capable de réaliser les objectifs de la révolution en matière de libertés et de démocratie»