Par Brahim OUESLATI « La seule voie qui offre quelque espoir d'un avenir meilleur est celle de la coopération et du partenariat » La semaine qui vient de s'écouler a été riche en événements. Elle a débuté par le lancement de la campagne électorale du second tour entre Béji Caïd Essebsi arrivé en tête du premier tour devançant Mohamed Moncef Marzouki de plus de 6%. On craignait fort que cette deuxième manche ne soit un remake de la première et ne se transforme en un combat de béliers qui risque de laisser de grandes séquelles au sein de la société tunisienne et de la diviser entre Nord et Sud, moderniste et conservatrice, révolutionnaire et contre-révolutionnaire... Notre crainte n'a, malheureusement, pas été dissipée, puisque les discours n'ont pas évolué, avec la même véhémence, les mêmes animosités et les mêmes arguments pour discréditer l'adversaire, l'abaisser de son statut de présidentiable et d'homme d'Etat. On remonte l'histoire pour lui trouver «un défaut de moralité», une déclaration de complaisance, une connivence avec une quelconque partie et lui faire endosser des responsabilités de fraude, de torture et de tous les maux de la société, comme c'est le cas pour Béji Caïd Essebsi, attaqué sur son passé, voire sur son âge. Peu de choses sur les programmes, les orientations futures et point de messages d'espoir pour un peuple qui aspire à sortir d'une crise qui ne fait que durer. A quelques jours du scrutin, les deux candidats et leurs équipes vont s'investir davantage dans la campagne et multiplier les appels à la mobilisation. C'est pourquoi, on n'est pas à l'abri de dérives et de dérapages et cette fin de campagne risque de se transformer en une arène de calomniateurs et de devenir carrément sale et viscérale. Du flou du Front populaire au dilemme d'Ennahdha Entre-temps, les principales formations politiques ont exprimé leurs positions pour le second tour. Les plus attendues sont celles du Front populaire et du mouvement Ennahdha. Deux positions qui manquent de nuance et de clarté. D'abord, celle du Front qui «appelle ses partisans à barrer la route vers Carthage à Moncef Marzouki, mais insiste qu'il ne délivre, ainsi, pas de chèque en blanc à Béji Caïd Essebsi ». Position, incompréhensible, pour le moins que l'on puisse dire. Avec leurs 15 sièges à l'Assemblée des représentants du peuple et forts des 255.000 électeurs qui ont voté pour leur candidat au premier tour, les « frontistes » semblent encore hésiter posant des conditions à Béji Caïd Essebsi, dont, notamment, la non-participation du mouvement islamiste dans le prochain gouvernement. Et même si le secrétaire général de Nida Tounès, Taïeb Baccouche, a, clairement, éloigné tout rapprochement avec Ennahdha, certains commentateurs politiques voient dans cette position une sorte de jeu de rôles, d'autant plus que la forme du gouvernement n'est pas encore arrêtée et qu'elle ne pourrait être définie sans l'accord de la seconde force politique. Mais le Front populaire contrôle-t-il vraiment ses troupes ? Et les électeurs de Hamma Hammami sont-ils réellement des sympathisants du Front qui n'a obtenu que quelque 120.000 voix dans les législatives, alors que son candidat a obtenu un peu plus que le double lors du premier tour de la présidentielle, soit 255.000 voix, dont près de 20% provenaient du Nida Tounès ? Mais la position la plus attendue a été celle d'Ennhadha, même si elle n'était qu'un secret de Polichinelle. Réuni samedi dernier, le conseil de la Choura a réitéré sa première position, celle de la neutralité, en laissant la liberté à ses sympathisants pour choisir le candidat le mieux à même d'assurer les plus hautes charges de l'Etat. Position, autant elle satisfait le candidat Mohamed Moncef Marzouki, autant elle n'est pas du goût de son adversaire Béji Caïd Essebsi. Le premier multiplie les appels au « peuple » d'Ennahdha pour le soutenir et compte sur les dissidents comme le démissionnaire Hamadi Jebali et d'autres ténors comme Sadok Chourou et Habib Ellouze, ainsi que sur l'implication directe de plusieurs cadres régionaux dans sa campagne, en leur agitant le danger du retour de la dictature et en leur miroitant l'épouvantail de la torture et du retour en prison. Un message de peur de l'autre ! Alors que le second espérait une position de neutralité effective, sans détours et sans ambiguïté. Même si l'on comprend les difficultés de Rached Ghannouchi à contrôler ses troupes, un message fort de sa part pourrait dissuader un bon nombre des nahdhaouis et leurs sympathisants à aller voter pour Marzouki. Lui qui sait bien qu'indépendamment des résultats de dimanche prochain, le vrai pouvoir sera entre les mains de BCE dont le parti a gagné les élections législatives. Avec tous les risques que cela pourrait engendrer dont l'implosion de son mouvement. Dilemme difficile! Comment alors sauver l'unité de son mouvement tout en « barrant la route » de Carthage à son actuel locataire pour un nouveau bail ? Un président fort et une majorité confortable Le contexte politique a changé après le scrutin législatif et on doit composer avec la nouvelle donne. Nous avons deux forces en présence, Nida Tounès avec ses 86 députés et Ennahdha avec ses 69 membres de l'ARP. A eux deux, ils totalisent 155 membres, soit plus de 70%. Loin derrière, on trouve l'UPL avec 16 députés talonné par le Front populaire avec un député de moins. Aucun des deux premiers partis n'a la possibilité de gouverner sans l'apport de l'autre. Une plate forme commune devrait être définie dans un cadre consensuel qui prendrait en compte le seul intérêt du pays. La Tunisie est entrée dans une nouvelle étape de son histoire récente avec un processus qu'on veut irréversible. Il faudra un message d'espoir pour les Tunisiens et des gages d'assurance pour les partenaires, les bailleurs de fonds et les investisseurs tunisiens et étrangers. Pour ce faire, on a besoin d'un Président fort qui s'appuie sur une grande formation politique, celle arrivée la première dans le scrutin législatif, pour éviter tout affrontement entre les deux chefs de l'exécutif. Un président capable de restaurer l'autorité de l'Etat fortement écornée, de redorer le blason de notre diplomatie sur la scène internationale et de rassurer les partenaires. On a besoin, également, d'un gouvernement soutenu par une majorité confortable pour bien négocier les prochaines années qui s'annoncent difficiles, à tous les niveaux, sécuritaire, politique, social et économique. Les Tunisiens ont, surtout, besoin de sortir de cet embrouillamini et de voir plus clair. Ils ont besoin de message d'espoir et non de peur. Ne dit-on pas que « la seule voie qui offre quelque espoir d'un avenir meilleur est celle de la coopération et du partenariat ?»