Le processus électoral, dans la Tunisie postrévolutionnaire, prend fin aujourd'hui même. Cela fait un peu plus de trois ans que les électeurs tunisiens se sont engagés dans cette voie démocratique pour essayer de doter leur pays d'institutions stables et fiables qui soient susceptibles d'offrir à leur pays un avenir rassurant et rayonnant. Pour ce faire, ils doivent voter librement dans un climat sain, loin de toute menace et toute pression. Ce qui veut dire qu'il faut entourer l'opération électorale de toutes les garanties possibles dont la sécurité, la vigilance et l'intransigeance de l'ISIE à l'égard de tous les contrevenants et la présence d'observateurs sur les lieux de vote. Cependant, voilà que l'instance de régulation nous surprend, encore une fois, par une décision inappropriée et tout à fait insensée, à savoir l'exclusion de ces derniers des bureaux de vote. Ce coup de théâtre de dernière minute ne risque-t-il pas d'envenimer le climat et de gâcher la fête ? Dépasser les lacunes du passé Après les déboires de 2011, les Tunisiens se sont ressaisis, en rectifiant le tir lors des élections législatives du 26 octobre dernier. Et les revoilà, aujourd'hui, confrontés à une nouvelle épreuve, la plus dure au regard de l'enjeu et de la conjoncture. Certes, ils sont divisés, étant donné qu'ils sont invités à choisir entre deux candidats, toutefois, cette division ne veut pas dire, forcément, discorde, elle fait partie intégrante du jeu démocratique. Seulement, pour que ce jeu soit respecté, il est impératif que les candidats et leurs partisans respectifs fassent preuve d'un excellent esprit sportif. Après qu'elle ait mené sa campagne électorale comme elle l'entendait, chacune des deux parties est tenue de respecter le verdict des urnes quel qu'il soit ; c'est à cette condition que la compétition peut être considérée comme loyale et que les élections peuvent être vraiment démocratiques. A défaut, le jeu serait faussé et les résultats seraient contestés. On espère ne pas voir, aujourd'hui, les scènes qui ont caractérisé le premier tour de la présidentielle où certains bureaux de vote ont été le théâtre de pratiques illicites de la part de certains partisans qui continuaient leurs campagnes dans les centres de vote, faisant ainsi fi du silence électoral. ATIDE, qui a qualifié les concurrences électorales précédentes de déloyales, tout en soulignant qu'elles manquaient de transparence, a dénoncé l'utilisation des enfants comme moyens de propagande ainsi que la violence aussi bien verbale que physique qui a sévi dans certains bureaux de vote. Nouvelle pirouette de l'ISIE Hier, l'ISIE, qui est déjà très critiquée pour ses nombreuses tergiversations et ses incompréhensibles attitudes, a décrété l'interdiction aux associations de supervision de la société civile de se trouver dans les centres de vote. Une décision saugrenue et dont on n'arrive pas à comprendre le fondement. Au lieu d'améliorer son rendement en essayant de dépasser ses lacunes relevées par les différents observateurs et les médias, elle opte pour la plus périlleuse des voies, ajoutant ainsi de la tension à une situation qui est déjà explosive. N'y a-t-il pas là une volonté revancharde de sa part à l'encontre de ces associations qui ont, sévèrement, critiqué son rendement ? En choisissant le défi et l'escalade, ne fait-elle pas preuve de discrétion et de déni de démocratie ? C'est comme si elle voulait les sanctionner pour avoir osé lui adresser des remontrances. Manifestement, l'ISIE s'inscrit dans une époque révolue et oublie que si elle est là c'est grâce au vent démocratique qui a soufflé sur le pays. Elle est frappée d'amnésie et se comporte comme une institution antidémocratique qui veut faire table rase de toute une réalité. La mesure qu'elle vient de prendre, qui est contraire aux normes internationales, préfigure de mauvaises surprises. Il est à craindre que cela ne donne lieu à des dépassements qui entacheraient les élections de quelques irrégularités. Les réactions ne se sont pas fait attendre et certains parlent même de parti pris de l'ISIE. Nabil Bafoun, l'un de ses membres, a dit, hier, que leur décision n'était ni définitive, ni sacro-sainte et qu'ils pourraient revenir dessus. Mais quelques soient les modérations qu'il peut apporter à leur décision, le mal est déjà fait. De quel droit se permettent-ils de prendre une telle mesure ? Cette dernière ne participe-t-elle pas à conforter les accusations faites par ATIDE à son endroit relatives au manque de transparence définissant les dernières élections? En agissant de la sorte, l'ISIE ne fait-elle pas accentuer celle-ci ? Il est, définitivement, établi qu'elle n'a fait que multiplier les défaillances et il est plus que certain que son comportement tout au long du processus électoral fera l'objet d'une évaluation rigoureuse de la part de la société civile et politique. En l'absence éventuelle des observateurs nationaux dans les centres de vote, au cas où l'ISIE maintiendrait sa décision, c'est aux électeurs d'assumer cette charge de supervision des élections. Et il est à espérer qu'ils n'opteront pas pour le bulletin blanc, car cela risque fort de donner lieu à des fraudes dont les auteurs n'auraient aucune difficulté pour travestir leurs volontés. Ils auraient tout simplement à cocher la case de leur candidat sur un bulletin vierge...