La Tunisie a achevé avec succès son premier cycle d'élections démocratiques dans le cadre de la nouvelle Constitution, avec la tenue du second tour du scrutin présidentiel le 21 décembre. La transition d'un régime autoritaire, renversé le 14 janvier 2011, par une révolution essentiellement pacifique, vers des élections transparentes et l'établissement d'institutions démocratiques permanentes représente le plus brillant espoir d'une transition réussie et pacifique comparé à la tournure prise par d'autres révolutions arabes. Une fois le processus électoral finalisé, les nouveaux dirigeants tunisiens devront œuvrer à consolider les acquis du pays et à s'acquitter des promesses de la Révolution en consacrant les principes de sa nouvelle Constitution et en s'attaquant aux préoccupations économiques et sociales les plus urgentes. Dans ce contexte, une conférence de presse, s'est tenue, hier regroupant Mme. Audrey Glover, ambassadeur et co-leader de la délégation du Centre Carter, M. Abdelkarim Eryani, ancien premier ministre du Yémen, et co-leader de la mission d'observation du Centre Carter, ainsi que M. Don Bisson, directeur de bureau de Tunisie du Centre Carter et Mme. Sarah Johnson, directeur adjoint du Centre Carter. Mesures restrictives Au cours de cette conférence, Mme. Glover s'est félicitée de la Tunisie d'aujourd'hui qui symbolise ce qui peut être accompli lorsque les citoyens, les partis politiques, la société civile et les institutions travaillent ensemble afin de parvenir à un compromis et faire avancer le pays sur la voie de la démocratie. Elle a également félicité l'Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE) pour ses efforts soutenus visant à améliorer l'administration des élections à garantir la neutralité et l'impartialité totale de son personnel. Pour sa part, M. Don Bisson, a indiqué que l'ISIE a notamment amélioré le processus entre les deux tours du scrutin et ce, en facilitant le vote des électeurs handicapés, en accélérant le transfert du matériel électoral sensible des centres de vote vers les centres de compilation afin d'éviter les erreurs de transcription. Ainsi la Tunisie, nouvelle démocratie, a tenu compte des leçons tirées des expériences électorales précédentes et a de ce fait, fait preuve de sérieux et de volonté bien plus que des pays avec un long historique de démocratie. Cependant, M. Bisson a relevé quelques défaillances dans le déroulement du processus électoral. En effet, l'ISIE a pris des mesures indûment restrictives dans le but de protéger le choix des électeurs de toute influence extérieure, en donnant comme instruction aux présidents des centres de vote de limiter le nombre d'observateurs et de représentants des candidats dans les bureaux de vote et en leur interdisant de rester dans la cour des centres de vote le jour du scrutin. Toutefois, l'ISIE n'ayant pas communiqué ces mesures de façon claire, leur mise en œuvre a créé une certaine confusion parmi les observateurs et les employés des bureaux de vote chargés de leur application. De ce fait, M.Bisson a incité l'ISIE à envisager d'autres moyens pour protéger les électeurs de toute tentative d'influence aux alentours des bureaux de vote, qui ne limitent pas les droits des observateurs nationaux, et devrait également s'assurer que les instructions sont appliquées de manière uniforme. En outre, une autre lacune a été relevée dans le travail de l'ISIE dans la mesure où, comme lors des élections précédentes, l'ISIE n'a pas réussi à mettre en œuvre une campagne efficace de sensibilisation des électeurs. Elle n'a fait qu'adapter les outils de campagne existants au lieu de cibler les électeurs qui n'avaient pas voté au premier tour. Quelques organisations de la société civile ont néanmoins, mené des campagnes de sensibilisation visant à encourager les jeunes à participer au second tour. L'ISIE devrait alors, pour les prochaines élections redoubler ses efforts de sensibilisation des électeurs aux procédures à suivre le jour du scrutin. Financement Concernant le financement des campagnes électorales des deux candidats à la présidentielle, M. Eryani a estimé que la régulation du financement de campagne et notamment le plafond minimum des dépenses autorisées devraient être réexaminés lors de la consolidation de l'ensemble de la législation électorale dans un seul code car selon lui, le financement public par l'Etat aux candidats du second tour de la présidentielle, totalisant 52851 TND, s'est révélé insuffisant pour organiser une campagne efficace dans tout le pays. A rappeler que le Centre Carter a été accrédité par l'ISIE afin d'observer les élections et a déployé à cet effet, plus de 60 observateurs qui ont visité 282 bureaux de vote dont 124 sont localisés aux frontières avec l'Algérie (Kef, Kasserine, Jendouba) et représentent des zones à risque terroriste. Ces observateurs ont également, visité 20 centres de compilation des résultats hors de 27. La mission d'observation du Centre Carter en Tunisie a pour objectif de fournir une évaluation impartiale de la qualité du processus électoral, de promouvoir un processus inclusif pour tous les Tunisiens et de manifester son appui à la transition démocratique. L'évaluation du processus électoral se fait sur la base du cadre juridique national ainsi que sur les obligations internationales de la Tunisie relatives à la tenue d'élections démocratiques réelles. Centre Carter Le centre Carter est présent en Tunisie depuis Juin 2011, soit quelques mois après la chute du Président déchu Ben Ali. Il a observé les élections de l'Assemblée nationale constituante en 2011, ainsi que le processus d'élaboration de la constitution qui a abouti à son adoption en janvier 2014. La mission d'observation électorale a été lancée en juin 2014 avec le déploiement de dix observateurs de longue durée à travers le pays ainsi que d'une équipe d'experts basés à Tunis. Le Centre demeurera en Tunisie pour observer le processus final de compilation des résultats ainsi que la phase de contentieux électoral.