Le « Mouled » est l'une des multiples fêtes religieuses qui marquent le plus le quotidien des Tunisiens. Quelques semaines avant le jour de la fête, les souks, les grandes surfaces et les marchés parallèles se mettent au diapason de l'évènement. A Tunis, pas un seul mètre dégagé ! Les marchandises sont d'une diversité impressionnante. Elles envahissent les marchés et les artères commerciales de la capitale. Fruits secs, douceurs dont on agrémente la crème, les fruits de confits et graines de pin d'Alep sont mis à la disposition du consommateur, prêt à tout rien que pour se procurer le plaisir de goûter à la délicieuse « Assida ». Toutefois, cette fête coïncide avec celles des fêtes de fin d'année et surtout avec les vacances d'hiver ce qui représente des charges supplémentaires pour les Tunisiens. Le fameux « zgougou » bien qu'il soit source de délice, constitue un ‘'fardeau'' économique pour le citoyen tunisien gravement affecté par la baisse de son pouvoir d'achat. Des fêtes et des dépenses ; tel est le quotidien des Tunisiens, incapables de se passer de telles festivités et très attachés à leurs traditions. Des fruits secs, des prix très « salés » ! Avant même de parler de la crème, parlons des ingrédients coûteux de cette recette traditionnelle exquise. Assez gourmands, les Tunisiens ne ratent pas une telle occasion pour satisfaire toutes leurs envies culinaires. En revanche, sont-ils satisfaits des prix hallucinants des fruits secs qui atteignent facilement les 50 dinars ? C'est le cas des noix et des noisettes qui sont vendus à 36 dinars le kilo et plus parfois .Les amandes ne dérogent pas à la règle non plus. Le kilo se vend à plus de 20 dinars. Des prix surréalistes qui font fuir les habitués des grandes surfaces. Même les plus aisés parmi eux, préfèrent de loin les souks et les vendeurs à la sauvette où les prix sont relativement moins élvés et ne s'offrent plus le luxe du shopping des samedis. Sieur « zgougou » est au-dessus de toutes les considérations sociales paraît-il ; riches ou pauvres, les Tunisiens tombent pour une fois d'accord : « l'Assida »... c'est trop cher quand même !'' Face à ces prix exorbitants, certains Tunisiens se sont contentés de la crème de « l'Assida », ‘'a quoi bon la décorer ?'' comme le disait Fethi ( chauffeur de Taxi) , car pour lui, la décoration n'a aucune utilité. En machiste, il réplique : « Ce sont des pratiques superflues féminines, (Bidâa) elles nous ruinent ces femmes financièrement ! » Cependant, est-il suffisant d'abandonner la décoration de « l' Assida » pour échapper à la crise ? Pas du tout, nous semble-t-il, vu que les produits de base sont également à l'origine de dépenses onéreuses. Ingrédients coûteux S'agissant d'une recette où l'on mélange graines de pin d'Alep, une crème de dessert à base de lait, œufs, amidon et sucre, cette multitude de produits va sûrement altérer le budget des Tunisiens et surtout les classes démunies et moyennes. Le kilo de graines de pin d'Alep frise les 20 dinars et les prix du sucre, du lait et des œufs sont en perpétuelle augmentation. Ajoutons à tout cela les dépenses, parfois excessives de la vie de tous les jours, le Tunisien ne peut plus supporter de telles charges. Son salaire ne suffit plus. « Pas d'« Assida » cette année malheureusement !'' disait monsieur Fethi Lâajimi (enseignant), « C'est trop de dépenses pour une seule année, L'Aïd, la rentrée scolaire, le jour de l'an et le Mouled ! Fou est celui qui prétend soutenir ce rythme, j'ai pris ma décision : cette année il n'y aura pas de « zgougou » ! » Une abstention catégorique qui montre à quel point le Tunisien est lessivé par cette hausse des prix brusque. Aux dépenses simultanées de « l'Assida » s'ajoutent celles du réveillon et des vacances d'hiver. A peine, sortis des charges de l'Aïd, les Tunisiens sont de nouveau confrontés à de lourdes dépenses simultanées : les vacances d'hiver, le Mouled et la fête du nouvel an. Le « zgougou » n'est pas, dès lors, l'unique souci qui hante les nuits des Tunisiens. Sont-ils suffisamment outillés pour affronter les coûts des vacances d'hiver et du jour de l'an ? La majorité des Tunisiens ne tiendront pas le coup, en voici quelques témoignages : Fatma (femme au foyer) «Personnellement, je pense que fêter tous ces évènements d'un seul coup est la plus grosse bêtise qu'on peut commettre ! Excepté quelques fortunés qui, pour eux, dépenser de telles sommes d'argent n'est qu'un jeu d'enfants, personne n'est en mesure de s'offrir un tel luxe ! Mieux vaut sélectonner la fête à célébrer ! » Majid (marchand de légumes) «J'estime que fêter le Mouled uniquement serait un exploit retentissant ! Basta ! Le plus important est de se réunir avec les membres de la famille. Tout le reste importe peu ». Au moins, une relance économique ! Bien que de telles fêtes soient extrêmement coûteuses et grèvent lourdement le budget des Tunisiens, elles restent tout de même une aubaine propice pour les marchands ambulants et les vendeurs à la sauvette. Ces derniers profitent de cette occasion pour exposer toutes leurs marchandises et en vendre le maximum possible. N'est-ce pas là une relance de l'activité économique du pays ? Si le consommateur est peu satisfait de la qualité et des prix de certains produits, les vendeurs, débrouillards à souhait, sont très contents de voir leur camelote envahir les marchés nationaux. Le commerce parallèle, à son tour, connaît un essor rapide pendant ces périodes de fêtes. Les marchands ambulants tentent coûte que coûte de satisfaire les demandes de leurs clients. Ainsi, ils diversifient les produits et baissent les prix dans le but d'attirer le plus grand nombre de consommateurs. Comme quoi «le malheur des uns fait le bonheur des autres !» Pourvu que ce «Mouled» signe le véritable début d'une ‘'Renaissance'' tunisienne.