Les élections législatives et présidentielles de 2014 ont été une agréable surprise pour le Front Populaire qui a réussi à se positionner en tant que troisième force politique du pays alors que ce dernier vivait une bipolarisation presque totale entre le mouvement NidaaTounes et celui d'Ennahdha. Ayant obtenu 16 sièges à l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), le Front est en train de vivre sa première expérience en tant qu'acteur réel dans la vie politique postrévolutionnaire. Un cadeau empoisonné pour ce Front qui n'a pas su trouver son équilibre, surtout, avec les multiples divergences qu'il a rencontrées au sein de ses rangs internes depuis le second tour de l'élection présidentielle jusqu'à maintenant. Tiraillement et union Composé de onze partis, le FP a rencontré plusieurs obstacles depuis sa création jusqu'à aujourd'hui ; des deux assassinats politiques, dont ont été victimes deux de ses leaders qui sont ChokriBelaïd et Mohamed Brahmi, aux campagnes médiatiques de diffamation (de la part de médias ayant une ligne éditoriale très conservatrice), en arrivant aux conflits imposés par le processus électoral. En effet, quand HammaHammami, porte-parole du Front Populaire, s'est vu recaler au deuxième tour de la Présidentielle, les tensions entre les dirigeants du Front n'avaient pas tardé à éclater entre ceux qui appelaient au soutien de Béji Caïd Essebsi et ceux qui refusaient catégoriquement l'idée. Le Front avait mené une série de reports de ses points de presse au cours desquels il devait annoncer sa position alors que ces dirigeants continuaient à donner des déclarations médiatiques enflammées qui traduisaient une position en faveur de BCE de la part du Parti Unifié des Patriotes Démocrates et un rejet du soutien de la même personnalité par le Courant Populaire. Ce tiraillements entre les différentes composantes du Front ont poussé ce dernier à publier un communiqué, avant le second tour de la Présidentielle de quelques jours, estimé d'incompréhensible et de flou. Le Front avait appelé ses militants et électeurs à barrer la route à Moncef Marzouki mais n'a pas donné une consigne de voter au profit de BCE malgré la visite qu'a rendue ce dernier au local du FP. Malgré tous ces conflits, le Front a réussi à en sortir indemne en préservant l'avantage d'être la seule coalition survivante aux différentes époques de la Troïka et, surtout, au processus électoral du pays. Le Front, Ennahdha et le Nidaa Estimant que la Troïka, et spécialement Ennahdha, est responsable de l'assassinat des deux martyrs Belaïd et Brahmi, le Front Populaire refuse aujourd'hui de voir ces derniers recyclés dans la prochaine équipe gouvernementale. Ce refus, catégorique, unifie les dirigeants du FP et leur donne la possibilité de dépasser tous les différents afin de s'unir autour d'un objectif clair : faire en sorte que la volonté des urnes soit réellement appliquée. Alors qu'une deuxième rencontre a eu lieu entre les dirigeants du FP et le nouveau chef du gouvernement chargé, Habib Essid, HammaHammami continue à expliquer qu'il ne s'agit que de rencontre où le FP donne ses visions quant au programme gouvernemental des cinq années à venir et que le Front Populaire ne fera certainement pas partie du gouvernement Essid. Des déclarations qui ont, encore une fois, suscité la polémique puisque plusieurs analystes expliquent que cet ‘entêtement' du FP pousserait NidaaTounes à aller vers Ennahdha pour constituer son gouvernement. D'autres affirment que le président de la République, Béji Caïd Essebsi, commencerait à s'impatienter de ‘l'arrogance Frontale' qui stagne et refuse toute évolution. Pourtant, la condition émise par le Front pour participer au gouvernement était, pour une fois, claire et précise : exclure toute participation d'Ennahdha au dit gouvernement. Nouveau garant des libertés et des vérités ? Si le Front Populaire vire aujourd'hui de plus en plus vers l'opposition, il reste tout-de-même utile de se poser une question : de quelle opposition fera -t-il partie ? Ayant toujours prôné les principes de la défense des libertés et des minorités, il serait idéal pour le Front Populaire de contrôler les travaux d'un gouvernement dont les défis sont gigantesques. A quelques semaines du départ du gouvernement Mehdi Jomaâ, les mouvements sociaux ont inauguré cette année qui s'annonce très difficile pour la Tunisie surtout sur le plan économique. Des protestations ayant provoqué des polémiques assez aigües entre les différents acteurs politiques et sociaux, et l'on doit s'attendre à plus de soulèvement dans les mois à venir. Dans ce cadre, une coalition comme celle du Front Populaire aura un rôle primordial à jouer vu sa proximité de l'UGTT et sa présence au sein de l'ARP. Par ailleurs, l'engagement du FP à relever la vérité sur les deux assassinats de Belaïd et de Brahmi et sa présence pour une majorité des affaires des libertés et des minorités, fait de lui une coalition nécessaire dans les prochaines étapes qu'aura à affronter la société civile tunisienne. Qu'il décide de rester à distance de la future équipe gouvernementale ou d'en faire partie, le plus important c'est que le Front Populaire continue à réussir ce qu'il a déjà accompli : dépasser tous ses conflits et tenir ses rangs solidement parce que sa mission ne fait que commencer pour un avenir meilleur de notre démocratie.