De notre envoyée spéciale : Sayda BEN ZINEB Un air de tristesse et de deuil assombrissait ces derniers jours le ciel de la Ville Lumière, meurtrie par les douloureux événements qui ont bouleversé toute la France aussi bien que le monde entier ; les frappes terroristes perpétrées contre Charlie Hebdo soldées de nombreuses victimes décimant son équipe ainsi que d'autres personnes innocentes... Une semaine après cet abject attentat, Paris a accueilli le premier forum international sur les « Renouveaux du Monde Arabe » qui a eu lieu les 15 et 16 du mois courant, sous le haut patronage et en présence de François Hollande, président de la République Française et de nombreuses autres personnalités, dont le Tunisien, Lotfi Maktouf, président de la Fondation Al Madanya et François Gouyette, ambassadeur de France à Tunis. Jeudi 15 janvier, sur la façade irisée de l'IMA, rayonne un monumental « Nous Sommes Tous Charlie », lettres rouges en arabe et en français. Cette « géante » et insolite déclaration des 21 pays qui siègent à l'IMA ne peut que nous interpeller davantage sur une réalité amère qui pointe à l'horizon et qui risquerait de menacer la sécurité des peuples non seulement sur les deux rives de la méditerranée, mais aussi pour étendre ses tentacules malfaisantes à travers toute la planète. Par-dessus tout, le dernier forum international de Paris, c'est le monde arabe en transformation positive que tous les acteurs veulent mettre à l'honneur. Idées et projets Ils étaient plusieurs centaines de personnes à braver le froid devant l'Institut du Monde Arabe (1, rue des Fossés Saint-Bernard, place Mohamed V, Paris), pour assister à l'inauguration, (le 15 janvier) du forum international organisé par l'IMA et Thinkers and Doers ; penseurs, acteurs et journalistes issus de différents pays du monde arabe, engagés dans la construction et les renouveaux de la région. En effet, leaders, experts, décideurs, porteurs de projets et personnalités émergentes, travaillant pour la région, ont confronté deux jours durant, leurs idées et leurs projets afin de contribuer au changement et montrer la région sous un angle différent que celui médiatisé et relayé par la situation chaotique et les conflits politiques. La vocation première du forum, c' est d'avoir donné l'occasion aux différents penseurs et acteurs, (près de 70 intervenants et 1200 participants), de proposer au travers de six thématiques, (entreprenariat, éducation, urbanisme, énergies, art et culture et voix des femmes), les renouveaux en chantier dans le monde arabe pour initier de nouvelles collaborations et obtenir des perspectives d'investissements... Autrement dit, changer la donne en offrant une autre image d'un monde en pleine effervescence, qui regorge de potentialités, d'imagination et de créativité, autre que celle entachée de sang, comme s'obstinent à l'assumer, les extrémistes de tous bords par tant de haine et de cynisme. « Le monde arabe, estiment les organisateurs, est traversé depuis 2011 par une ébullition de révolutions sans précédent mais ces révolutions populaires parfois violentes, cachent d'autres changements tout aussi profonds qui affectent tous les aspects de la société. Plus que d'une révolution, peut-on parler d'un renouveau, des renouveaux ? Quels sont les changements les plus importants qui traversent en ce moment le monde arabe : l'effervescence de la croissance démographique, la place des jeunes et de la culture dans la société civile, la libération de la parole, le rôle des femmes dans l'accompagnement du changement, la question de la transition énergétique et de l'urbanisme galopant ? Tels étaient les grands points d'interrogation auxquels le forum de Paris a essayé de répondre. Face à la terreur, nous sommes tous unis... A l'ouverture de l'événement, le président français, Hollande, a prononcé un discours d'une haute portée politique sur l'actualité mais non dénué toutefois de messages d'espoir quant aux rôles des différents acteurs, entrepreneurs comme artistes: « les musulmans, a-t-il déclaré, sont dans le monde, les premières victimes du fanatisme, du fondamentalisme, de l'intolérance. L'islamisme radical qui frappe d'abord les musulmans, s'est nourri de toutes les contradictions, de toutes les influences, de toutes les misères, de toutes les inégalités, de tous les conflits non réglés depuis longtemps... Face à la terreur, nous sommes tous unis... insiste François Hollande « Nous devons aussi rappeler, poursuit-il, que l'islam est compatible avec la démocratie, que nous devons aussi refuser les amalgames et les confusions... Et de préciser à l'intention des pays musulmans, que « la France est un pays ami mais qui a des règles, des principes, des valeurs et parmi ces valeurs, il y en a qui n'est pas négociable, qui ne le sera jamais et c'est la liberté, la démocratie... ». En guise de conclusion, le président français a salué la Tunisie qui selon lui, a réussi sa transition démocratique et peut servir de modèle aux autres pays de la région. Selon Jack Lang, président de l'IMA, « le monde arabe est aujourd'hui déchiré par les drames dont l'intensité occupe presque exclusivement les observateurs et les médias ; mais le monde arabe, reconnaît-il, n'est pas seulement un lieu mortifère, théâtre de conflits politiques et confessionnels tel que les événements nous le font paraitre ; c'est un endroit où l'on crée et l'on invente un avenir meilleur. Les transformations se poursuivent portées par des millions d'individus qui prennent des initiatives dans tous les domaines de la vie publique. C'est donc plus que jamais le moment, estime-t-il, d'aller à l'essentiel ; chercher au-delà des péripéties souvent dramatiques de l'actualité les réalités profondes de sociétés en mutation. Nous voulons donner la parole à tous ceux que le bruit et la fureur des événements nous empêchent d'entendre, à tous les créateurs, les penseurs, les responsables, les citoyens en gagés qui agissent dans les différents domaines... » Pour appuyer ses propos, Jack Lang donne l'exemple d'Ibn Arabi, chantre de l'humanisme et de l'universalisme qui dit « la religion que je professe est celle de l'amour ; l'amour est ma religion, l'amour est ma foi... » Al Madanya et l'élan tunisien La Fondation Al Madanya qui fait couler beaucoup d'encre depuis sa création en 2011, en Tunisie et à l'étranger, vu ses objectifs, sa noble mission et ses innombrables réalisations, a été brillamment représentée au forum international sur les Renouveaux du Monde Arabe. Son président et fondateur Lotfi Maktouf est plus que convaincu que « l'avenir de la Tunisie dépend du dynamisme de la société civile et de l'investissement dans l'éducation... » Pour lui, favoriser l'accès à l'éducation notamment des filles, en rendant le droit à l'enseignement réel pour ces écoliers qui habitent parfois à plusieurs km de leur école, constitue l'un des combats que mène son association depuis trois ans. Car grâce à Al Madanya, ces enfants résidant dans des zones rurales et dans des régions défavorisées, ont pu pour certains, effectuer leur première rentrée scolaire. Un programme immense par sa conception et efficace par ses objectifs atteints, a pu dans un premier temps, sauver de la détresse les enfants du Kef, Siliana, Jendouba, Mahdia, Kebili et Sidi Bouzid. Cinq nouveaux autres gouvernorats, (Kairouan, Béja, Bizerte, Nabeul et Sousse), a annoncé Lotfi Maktouf lors de son intervention, ont suivi le pas, et bénéficié de ce programme de transport nommé « Fatma ». Une mesure qui devrait permettre de réduire le taux d'abandon scolaire et prodiguer à ces jeunes une réelle éducation et une leçon de vie ...Un pas important sur une route encore bien longue, estime le président d'Al Madanya. Une action digne de respect, qui sera marquée d'une pierre blanche car elle ne peut que refléter une image positive de la Tunisie pour laquelle il œuvre encore et toujours. Membre du barreau de New York et ancien président du prestigieux groupe monégasque Edmond de Rothschild, Lotfi Maktouf qui a fait une carrière professionnelle internationale, est diplômé de la faculté de Droit de Tunis, de la Sorbonne et de Harvard. Ancien conseiller principal au FMI à Washington, Il finance et administre des programmes d'éducation. L'année dernière, il a publié aux Editions Fayard, France, un livre intitulé « Sauver la Tunisie », qui a été traduit en plusieurs langues dont la langue turque. Le Maroc contemporain, brille de mille feux Dressé sur le parvis de l'IMA, un « frig », tente du sud marocain accueille le visiteur. Faite d'une toile épaisse tissée à partir de poils de chameau fabriquée selon un savoir faire époustouflant, la tente est présentée selon une disposition architecturale contemporaine dessinée par l'architecte Tarik Oualalou qui reprend dans des formes nouvelles, la tradition des hommes du désert. D'une surface de 500 mètres la tente abrite un souk voué au design et artisanat marocains. L'exposition « Le Maroc contemporain », ( avec plus de mille visiteurs par jour les week- end et plus de cinq cent en semaine), constitue selon les observateurs, le plus important panorama jamais consacré à la création contemporaine marocaine en France ayant rencontré autant de succès. Ouverte depuis le 15 octobre 2014, cette exposition pluridisciplinaire et splendide par son aspect, offre aux visiteurs un parcours artistique qui fait la lumière sur la richesse culturelle et artistique du Maroc avec la participation de 80 artistes, toutes disciplines confondues. Pour le bonheur des visiteurs, une prolongation exceptionnelle de l'exposition a été décidée jusqu'au 1er mars 2015. N'est-ce pas là l'une des images positives du monde Arabe que l'IMA s'attèle à exposer devant l'Occident ?