Hassen Nasr, connu pour l'illustre romancier et nouvelliste en Tunisie comme dans le monde arabe, publie un recueil de poèmes, écrits entre 1956 jusqu'à fin 2013. L'idée de publier cette rétrospective de poèmes pourrait nous paraître étonnante d'un écrivain comme Hassan Nasr qui a habitué ses lecteurs au roman et à la nouvelle, c'est-à-dire à la prose et non à la poésie. Le voilà donc aujourd'hui qui nous surprend avec son nouveau recueil poétique intitulé « Aâyed El Foussoul » (Fêtes des Saisons), paru aux Editions Maison Tunisienne du Livre. Un recueil qui comporte 68 poèmes inspirés de la vie de l'auteur et écrits à travers plusieurs années. Aussi peut-on dire qu'il s'agit d'une rétrospective poétique longtemps dissimulée dans les tiroirs et que l'auteur a décidé enfin de fournir à ses lecteurs, en y apportant sûrement les changements qui s'imposent, eu regard aux événements et aux expériences vécus par l'auteur lui-même, durant sa vie. Mais la grande découverte réside également dans cette grande adresse poétique, cette fine sensibilité, ce lyrisme romantique et musical et surtout cette expressivité naturelle qu'on retrouve à travers les poèmes de ce recueil. « A un moment donné, nous a confié Hassen Nasr, j'ai failli détruire tous mes écrits poétiques, car à vrai dire, je me sens plus proche de la fiction que de la poésie. J'appartiens plutôt au domaine de la nouvelle et du roman... ». Enfin, il a décidé de publier ses poèmes sur proposition de ses proches, mais surtout parce qu'il pense avec conviction que « l'art est un tout, il prend des formes diverses pour s'adresser à l'homme... », nous -a-t-il confié. C'est au grand bonheur des lecteurs qui découvrent en ce romancier et nouvelliste un grand poète aussi ! Hassen Nasr exerça longtemps le métier de professeur d'arabe et s'est imposé au fil de ses écrits, comme une figure incontournable dans la littérature tunisienne et arabe. Ses œuvres ont connu beaucoup de succès auprès des lecteurs et des critiques littéraires et certains livres ont été traduits dans d'autres langues. Ces livres méritent d'être cités car ils suscitent toujours l'envie d'être lus et relus, comme par exemple, « Layali Al Matar » (1968), « Dahalize Alleil » (1977), « 52 Leïla » (1979), « Khobz Al Ardh » (1985), « Assahar wa Aljorh » (1989), « Dar El Bacha » (1994), « Khouyoul El Fajr » (1997, « Sijillet Ras Eddik » (2001), « Kainet Moujannaha » (2010). Dans le préambule de ce recueil, on peut lire : « il s'agit d'une foule d'impressions et d'idées qui me hantaient et qui germaient dans mon esprit et grandissaient avec moi depuis mon jeune âge ; tantôt elles aparaissaient, tantôt elles disparaissaient. Je faisais comme si elles n'existaient pas, mais aussitôt je me mettais à les noter. Pourtant, un jour, j'ai décidé de mettre au feu tous ces brouillons, mais je me suis ravisé soudain en me disant : pourquoi mettre des barrières entre les différents arts, vu qu'ils constituent un tout indissociable et tant qu'ils proviennent de l'homme et s'intéressent à lui et à son combat contre la nature, contre soi-même et contre son milieu... » Ces lignes montrent les raisons pour lesquelles Hassan Nasser décide de publier son recueil de poésie, car il n'existe pas de cloisonnement entre les différentes formes de l'art. Dans ces poèmes libres ou à forme fixe, on trouve des descriptions de la nature et du paysage, comme l'indique le titre de cet album « Fêtes des saisons », où le poète chante la beauté des saisons et vante les arbres fruitiers et les fleurs odorantes qui embaument la terre : « Fête de la pluie », « Fête de l'olivier », « Fête de la récolte », « Fête de la vigne », « Fête de l'oranger », « Fête du palmier », « Fête du jasmin »... Dans le recueil, il évoque en outre les révolutions du monde, entre autres la Révolution tunisienne, comme pour les glorifier et honorer ceux qui les ont faites, comme dans « Che Guevara », ou « Un témoin de Santiago » ou encore « la charrette merveilleuse », allusion faite à celle de Mohamed Bouazizi, qui s'est immolé par le feu en provoquant l'étincelle de la Révolution. Tout un poème est consacré à Bouazizi, intitulé « Sur une aile de feu » où l'on peut lire : « Ô toi, fiston ! Ô toi qui vole sur une aile de feu/ D'où viens-tu ? Serait-ce des tonnerres des montagnes ou du grondement des vagues ou encore du déchainement des orages ?/ Même si tu es né d'une femme rurale dépourvue d'ailes/ Le Dieu Zeus fit que tu sois cousu à sa cuisse pour que tu durcisses/ Ainsi tu renaissais des tonnerres et des tempêtes pour aller récolter le feu sacré que nous a offert Prométhée... » On peut rencontrer aussi des poèmes d'amour où le poète se montre romantique et très sensible à la beauté de la femme et à ses attraits, comme dans les poèmes « le silence et les yeux », « la nuit de la séparation », et « Poème d'amour ». L'enfance est également évoquée avec beaucoup de pensées envers les enfants, ces anges de pureté, de douceur et d'innocence, surtout dans les poèmes « Sur le chemin de l'école » et « L'enfant et l'amandier ». Le poète aborde la vie des marins dans le poème «Travailleurs de la mer » où il peint leurs rapports avec ce travail pénible et imprévisible et leur lutte contre la nature pour rentrer avec une belle capture. Le poète exprime dans certains courts poèmes son admiration pour les inventions de l'homme en matière de transport, en l'occurrence le train qu'il décrit dans son mouvement, son départ et son arrivée à la gare, non sans décrire l'état des passagers et leurs attentes interminables à la gare : « La dernière gare », « Un billet Aller » et « Et le train passe ». Le train renvoie ici à la vie de l'homme, toujours mouvementée, depuis la naissance jusqu'à la mort... Le poète recourt à des images évocatrices et des métaphores diverses, variant entre narration et description, pour exprimer ses pensées et ses impressions personnelles qu'il n'a pu peut-être exposer dans ses romans et ses nouvelles où il s'agit bien d'autres personnages !