Finalement, Nida Tounès, c'est quoi ! Une belle osmose entre les traditions modernisantes du Néo-destour qui s'apparente lui-même à la gauche libérale et à la droite réformiste au niveau identitaire et religieux, et les courants dits progressistes véhiculés par l'UGTT de Farhat Hached et les vieux briscards du socialisme rebelle des années 60. Mieux encore, le socle du Nida s'est consolidé par une valeur constante du bourguibisme : l'apport de la femme tunisienne libérée de la soumission imposée par l'Islam politique réactionnaire qui refait surface sur la scène mondiale et nationale de la façon la plus agressive. Mais cette alchimie a jusqu'à présent réussi bien des épreuves surtout au niveau électoral, pour se profiler à l'horizon comme le premier parti du pays et qui a réussi le miracle de brûler la politesse à la centrale islamiste tout terrain d'Ennahdha qui combine merveilleusement les « centres » et les « extrêmes » sans avoir jamais l'air de perdre la face ou de se tromper de sujet ! Toute cette réussite, je le répète bien « miraculeuse », le Nida, la doit à cette synthèse entre les élites néo-destouriennes disciplinées et structurées depuis 1934 et le congrès de Ksar-Helal, donc, capables de mobilisation régionale et de contrôle électoral, et la « fraîcheur » idéologique révolutionnaire des jeunes générations de gauche « récupérées » sur le dos des anciennes cylindrées du Parti communiste (devenu Ettajdid) et du marxisme léninisme d'El Amel Ettounsi de M. Hamma Hammami et autres cadres plus proches de Trotski et de Gramsci. Sans les destouriens et les femmes libres (Hraïer Tounès), le Nida n'aurait pu jamais conquérir les régions en si peu de temps, soit en deux ans d'existence, et sans les courants de gauche, le Nida n'aurait pas pu s'amarrer à la Révolution et se débarrasser des handicaps de « l'ancien régime ». Par conséquent, la droite libérale et réformiste, les femmes libres et la gauche modérée, constituent les bases et les gènes créateurs de la force de frappe du Nida. Mais, après la réussite il y a le prix à payer sans lequel le Nida risque de graves turbulences et même une possible régression. Ce prix c'est la nécessité de structurer le parti en tenant compte des trois composantes citées précédemment. Or, jusqu'ici, c'est bien M.Béji Caïd Essebsi qui a pu souder lui-même la mosaïque-Nida, parce qu'il a pu s'adapter très intelligemment aux nouvelles exigences du terrain politique social et identitaire, marquées par l'émergence de l'Islam politique et le retour en force de l'UGTT de M. Abassi, qui tient, mine de rien, toutes les cordes de l'apaisement social mais aussi de son emballement excessif et douloureux pour l'économie et la stabilité. Maintenant, que Si Béji est très sollicité par ses nouvelles charges à la tête de la magistrature suprême, il faut rebâtir la maison Nida de manière à préserver ses qualités initiales, mais aussi la rendre capable de fonctionner dans la durée comme premier parti de Tunisie ou au moins comme force incontournable dans le paysage politique. Pour cela, il faut plus que les plateaux de télévision où chaque « Kaïs » chante sa « Leïla » (Kollou Kaïs youghanni âla Leïlah), ce qui donne cette impression non pas de la fraîcheur et de la diversité qui a fait le bonheur du Nida, mais d'une armée espagnole indisciplinée, où les généraux sont plus nombreux que les soldats. Nida Tounès a déjà une bonne trajectoire et une recette qui lui a permis de se mettre en pôle position. C'est à lui de consolider les acquis, blinder les structures et surtout donner les contours de la hiérarchie de façon claire et nette, afin de sécréter la discipline de « parti ». Eh oui, le temps du « romantisme » structurel au sein du Nida a vécu. Aujourd'hui, le Nida est un parti de masses et d'élites mais, surtout de gouvernement. Il ne peut pas se permettre de refléter l'image d'un moulin à vents ! Si Béji doit sonner encore une fois la fin de la recréation !