Le gouvernorat de Tataouine a été paralysé, hier, par une grève générale décrétée à la suite de heurts entre policiers et manifestants dimanche qui ont fait un mort. Hormis les services d'urgence, les centres d'hémodialyse et quelques pharmacies et boulangeries, les commerces, les entreprises et les administrations publiques sont restés fermés, selon les antennes régionales de l'Union Générale Tunisienne du travail (UGTT), de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'artisanat (UTICA) et l'Union Tunisienne de l'Agriculture et de la Pêche (UTAP) qui ont lancé le mot d'ordre de grève. Ces syndicats réclament notamment une enquête sur le «recours excessif» à la force par la police lors de manifestations qui ont eu lieu dimanche, des projets de développement, la suppression d'une taxe de sortie du territoire tunisien et l'assouplissement des contrôles douaniers sur les transports des marchandises. Une marche pacifique a, par ailleurs, sillonné les principales artères de la ville de Tataouine. A Ben Guerdane, des escarmouches ont éclaté entre les forces de l'ordre les jeunes manifestants rassemblées sur la Place du Maghreb arabe. Les policiers ont fait usage de gaz lacrymogène tandis que les protestataires ont répliqué par des jets de pierres. Les jeunes arrêtés à Dhehiba et Ben Guerdane au cours des affrontements qui se sont produits dimanche ont été, d'autre part, libérés dans le cadre d'un geste visant à apaiser les tensions. Les régions du sud tunisien frontalières de la Libye vivent largement du commerce, formel ou informel, avec la Libye. Ces régions sont un haut lieu de contrebande de carburant en provenance de Libye, un trafic lucratif sans lequel la population locale dit ne pas pouvoir survivre. Environ 328.000 tonnes de produits de contrebande passent notamment par le poste de Ras Jedir chaque année et 20% de la population active de Ben Guerdane vit exclusivement de ce commerce, qui «représente plus de la moitié des échanges bilatéraux avec la Libye», selon un rapport de la Banque mondiale. Chantage libyen ? Des négociations entamées dimanche entre une délégation composée de députés tunisiens et des responsables libyens pour l'annulation des taxes de sortie du territoire imposées réciproquement par les deux pays dans les postes frontaliers n'ont pas encore abouti à un accord à ce sujet. Selon des sources proches de la délégation des parlementaires tunisiens, les négociateurs libyens ont tenté de tordre le bras au gouvernement tunisien. Ils ont, en effet, exigé la reconnaissance par les autorités tunisiennes du gouvernement de Tripoli soutenu par les milices islamistes de Fajr Libya (L'Aube de la Libye) ou, du moins, la neutralité de Tunis dans le conflit opposant les parties rivales libyennes en contre partie de l'annulation de la taxe impose aux Tunisiens qui entrent sur le territoire libyen. La Libye compte depuis juillet 2014 deux gouvernements rivaux. Basé à Tripoli, le premier cabinet est soutenu par les milices islamistes de Fajr Libya. Reconnu par la communauté internationale, le second gouvernement est issu des élections législatives de juin remportées par des partis libéraux. La Tunisie ne reconnaît que ce deuxième gouvernement basé à Toubrouk, dans l'extrême est de la Libye, et qui s'est allié aux brigades menées par l'ancien général à la retraite Khalifa Hafter. A noter que le conseil des ministres a décidé, lors de sa première réunion tenue lundi sous la présidence du chef du gouvernement, Habib Essid, d'étudier «l'éventualité de suspendre, pour les ressortissants de tous les pays maghrébins, la taxe de sortie du territoire tunisien exigible des voyageurs étrangers». Le conseil a, également, décidé de diligenter une enquête administrative sur les péripéties des «incidents douloureux» qui se sont produits dans la localité de Dhehiba (gouvernorat de Tataouine) et au cours desquels un jeune originaire de la région a trouvé la mort. Il a par ailleurs «regretté» que des locaux sécuritaires et des domiciles de fonctionnaires de la sûreté aient été incendiés, soulignant en même temps «le respect du droit de manifester et de protester pacifiquement».