On ne va pas se voiler la face : il y a une menace, et elle est réelle, une inquiétude, et elle ne repose pas que sur des craintes infondées, consécutives aux derniers évènements en date, ayant secoué la France janvier dernier, avec les attentats meurtriers du journal « Charlie-Hebdo » et de l'hyper-casher de la porte de Vincennes. Avec la profanation du cimetière juif de Sarre-Union, et l'attentat de Copenhague, il est légitime qu'un climat de tension, et de méfiance envers le voisin, s'installe, et pas seulement dans l'Hexagone, exacerbant un traumatisme ancien, enfoui dans la mémoire juive, d'un possible retour vers l'enfer, à Dieu ne plaise... Ce qui fera monter au créneau un Netanyahou ratissant large pour les prochaines élections, qui trouvera-là une occasion en or, pour demander aux Juifs de France mais pas seulement, d'accomplir leur « Alya ». Ils seraient en danger partout, sauf en Israël. Le grand méchant loup ? Le Musulman. Non pas les islamistes. Car, on ne s'embarrasse pas des nuances lorsque l'on cherche un bouc-émissaire, vite trouvé, et que la mayonnaise prend, d'autant plus rapidement que dix mille porte-voix, et pas des moindres, se mêlent de souffler sur le brasier, sans comprendre que le feu, s'il prend, ne s'embarrasse pas de détails non plus, et risque de tout avaler sur son passage. Sur le plateau de « C dans l'air » en date du 24 février, l'ambiance n'était pas bon enfant car l'heure était grave. Sous l'intitulé : « Antisémitisme et islamophobie », et même avec des précautions de langage, s'il en est, la tension était à couper au couteau. Pour cause ?, les maladresses langagières, -maladresses ?- d'un Roger Cukierman, président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), ayant déclaré sur Europe 1 : « (que) toutes les violences étaient aujourd'hui commises par des jeunes musulmans ». Ce qui fera réagir, à raison, Dalil Boubakeur, président du CFCM (Conseil français du culte musulman) et recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui boycottera le dîner annuel du CRIF, et le fera réagir à son tour : « sommes-nous les chiens de la République ? ». Un pavé dans la mare ? Si les statistiques, se limitant au mois de janvier seulement, viennent démontrer que la moyenne des agressions à caractère islamophobes, équivaut à celle de toute l'année 2014, c'est qu'il y a un sérieux problème, et une sérieuse menace, qui pèse aussi sur les Musulmans de France aujourd'hui. On ne va pas faire dans la surenchère de qui est plus en « danger », les Juifs ou les Musulmans aujourd'hui en France, mais il se trouve qu'il faut bien rééquilibrer une balance, trafiquée par les équivoques et une certaine mauvaise foi, qui ne peut être corrigée, brièvement, par une poignée de main sur le perron de l'Elysée, lorsque d'aucuns se mêlent, d'instiller le poison de la haine, en pointant du doigt le « Musulman », comme l'ennemi à honnir, pour ne pas dire autre chose. Il paraît qu'il faut nommer les choses : oui, le conflit israélo-palestinien n'est jamais tout à fait étranger à cette « méfiance » mutuelle, entre Juifs et musulmans, institués comme ennemis de prédilection, aujourd'hui plus qu'hier, déplaçant ainsi, la réalité d'un problème, qui n'a rien à voir avec la judaïté, et tout à voir avec la politique israélienne, dont l'intellectuel Yeshayahou Leibovitz, surnommé « Le prophète d'Israël » disait qu'elle « salissait tout le peuple juif ». Oui, les Musulmans de France ont raison, à l'instar de Mohamed Moussaoui, présent sur le plateau de « C dans l'air », de se sentir blessés et autrement outragés, par les déclarations injustes et infondées du président du CRIF, et qui rappellera, à juste titre, que du temps de Vichy et de la France pétainiste, Mohamed V, roi du Maroc, alors sous protectorat français, avait refusé d'appliquer les lois de Vichy sur ses sujets juifs, tout comme l'a fait Moncef Bey en Tunisie, en n'acceptant pas que les Juifs tunisiens portent l'étoile jaune, déclarant qu'il la porterait aussi si l'on touche à ses sujets. Effectivement, un rappel de la grande Histoire s'impose, pour remettre les pendules à l'heure. Le fascisme et le nazisme ne sont pas une création de Musulmans. Il n'y a pas eu de pogroms dans les pays arabes. Il n'y a pas de raison de leur faire aujourd'hui porter le chapeau, tout simplement parce qu'une bande, non pas d'illuminés mais de criminels fondamentalistes, se sont arrogés le droit, au nom de l'Islam qui n'y est pour rien, de tuer en son nom, pour que le pays de la Liberté, Egalité et Fraternité, se partage en deux camps qui se regardent en chiens de faïence, oubliant qu'ils sont d'abord cousins, frères humains, et que ce qui les lie est autrement plus important que ce qui est susceptible de les diviser. Ce n'est même pas une affaire de bons sentiments mais de bon sens. Ce qui tend à manquer le plus...